HIDAYAT

 

 

 

 

 

 

 

 

Les pages de lunuvers de

MIR DJALAL

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Baku - 2010

 

 

Traduit par:          Tchémène BABAKHANOVA,

professeur titulaire de l’Université des
Langues  d’Azerbaïdjan.

 

Rédigé par:           Benoît HASLÉ,

professeur de français de l’Université

des Langues d’Azerbaïdjan, chargé de cours.

 

Designé par:        Oqtay  OROUDJOV

 

 

 

HIDAYAT, Les pages de l’Univers de Mir Djalal,

Bakou, Éditions «Apostrophe», 2010, 47 pages.

 

 

L’auteur de ces essai-mémoires, le célèbre poète et dramaturge, Hidayat est une des personnes qui a été, étudiant, en contact direct avec un des coryphées, lumière du XXe siècle, le remarquable écrivain Mir Djalal, son maître éminent.

Dans ce livre, l’auteur a pu recréer la remarquable image brillante et laconique du célèbre savant en commentant et interprétant les épisodes les plus caractéristiques qu'il s’agisse des sentences et des paroles sages, savoureuses, riches, justes et expressives de Mir Djalal tirées de la propre mémoire de l’auteur, de son premier contact avec la signature de Mir Djalal, de ses années d’études à lUniversité d’État d’Azerbaïdjan, de l’attitude, des points de vue de principe et justes de Mir Djalal qui, en ce temps-là, était chef de la chaire de littérature azerbaïdjanaise, des soins  qu’il  lui avait accors,  des  réflexions intéressantes  du  savant  et critique  littéraire  sur Mahammad Fizouli, Djalil Mammadgoulouzadé, Mirza Fataly Ahoundov, Samède Vourgoun, des mémoires suaves et licieux de lacadémicien Kamal Talybzadé, du pète national Nariman Hassanzadé, des fils de lécrivain Arif Pachayev et Hafiz Pachayev, de sa petite-fille Narguiz Pachayéva et d’autres.

 

 

© Hidayat. Les pages de l’Univers de Mir Djalal. Baku. 2010

 

 

 

 

 

 

Après toutes ces années et après la séparation des temps vécus, bon gré, mal gré, tu te penches sur les années que tu as laissées dans un lointain inaccessible, que l'on voit au travers du mirage des années, tu te souviens des personnes à l'esprit remarquable que ton regard limpide d'enfant grava dans ta mémoire, alors, ces personnes inoubliables te manquent et tu as la nostalgie de cet Univers candide, pur. Et quand tu rencontres les représentants de cet Univers dans la vie réelle (tu les rencontres assurément!), les paroles sages de nos grands-parents te reviennent à l'esprit: le monde ne s'est pas appauvri. Et avec tout cela tu penses que, si les personnes de même esprit, de même morale n'existaient pas, le monde serait bien cruel, médiocre, injuste, impitoyable et sans merci...

J'avais connu et aimé certaines de ces personnes parfaites, pour moi idéales, qui pénétrèrent à jamais mon univers par leurs œuvres, leurs paroles, leurs discours qui ont trouvé une écho positif dans le public. Plus tard, je rencontrais de ces gens, dans la vie réelle, j'eus des contacts personnels avec eux. J'avais connu Mir Djalal muallim[1]  grâce à son roman, Manifeste du jeune homme, alors que j'allais à l'école de Maralzémy, un petit village montagnard de Zanguezour. En plaignant le triste sort de Bahar, le  héros du roman, en me gonflant du courage et de la fierté de Sona, je considérais l'auteur de cette œuvre comme l'un des plus remarquables et des plus grands écrivains du monde. Plus tard, je compris, comme le dit Mirza Djalil, que c'est le temps qui crée de pareilles œuvres et Dieu qui guide la main de l'auteur.

En quatrième classe, je dus changer d'école afin de poursuivre mes études secondaires à l'école du village voisin, Leuk: dans mon village, on ne pouvait étudier que jusque à la quatrième (mon village n'avait qu'une école à trois niveaux). Je me souviens de mon maître de littérature, Ali Aliyev, qui parlait avec passion de son professeur, Mir Djalal Pachayev (il appelait toujours son professeur par le nom et le prénom), en éprouvant de la fierté à ce que cet éminent écrivain et éducateur célèbre fût aussi son professeur! Ali muallim était diplômé de la section d'enseignement à distance de l'Institut Pédagogique d'Azerbaïdjan (aujourd'hui l'Université Pédagogique d'État d'Azerbaïdjan), qui, selon les Zanguezouriens, se classait deuxième par son importance à l'époque (alors que l'on classait première l'Université d'État d'Azerbaïdjan). Lorsque je lui avais demandé avec  ma  curiosité  naïve  d'enfant pourquoi Mir  Djalal muallim enseignait à  l'Institut et  non à l'Université, ma question piqua évidemment au vif le diplômé de l'IPA. « Mais pour quelle raison l'Institut Pédagogique  devrait-il être pire  que l'Université?», m'avait-il répondu avec  dépit et irritation. «Tiens... Mikaïl Rafili, Abdoulazal Damirtchyzadé, Ahmed Seydov, Ismaïl Chihly... aussi y enseignent ». Il en cita d'autres dont je ne connaissais pas le nom. Ensuite, il reprit sa première question d'un ton plus sévère et d'un air fâché : «En quoi l'IPA est-il pire?».

Oui, ma question avait bien heurté l'amour-propre de mon professeur Ali. J'essayai de réparer ma maladresse: «Je sais : ils sont aussi des personnalités éminentes, mais je ne savais pas qu'ils enseignaient aussi à l'IPA...» À ces mots, ce fut comme si un vent balayait l'expression irritée de son visage. «Tu sais peut-être beaucoup, mais pas tout...», conclut mon maître sur un ton apaisé. Aussitôt la paix rétablie entre nous, je demandai à Ali muallim de me parler un peu de Mir Djalal muallim, et il me raconta avec plaisir ce qu'il savait. En ce temps-là, tout autant que moi, Ali muallim ne savait pas que Mir Djalal muallim était professeur titulaire et docteur ès lettres de l'Université d'État d'Azerbaïdjan: ce dernier ne voulait tout simplement pas quitter l'Institut où il avait lui aussi fait ses études ; il y menait des cours en parallèle, initiant à l'histoire de notre littérature non seulement les étudiants azerbaïdjanais, mais aussi ceux venant de  Zanguezour, de Geuydja, d’Agbaba, de Lorou-Pembek, de Darband, de Bortchaly, de Garatcheup... en un mot, de tous les coins du Caucase. Malgré le fait que Mir Djalal muallim fût surchargé de travail, il trouvait du temps libre pour enseigner à nos compatriotes, tel Ali muallim, dans son cher institut, où, dans le temps, il avait fait ses études. Ses étudiants, qui rentraient chez eux, dans leurs villages et dans leurs écoles, emportaient dans l'âme une étincelle de l'éclat de la personnalité de Mir Djalal muallim, et ils étaient tous, comme Ali muallim, fiers d'avoir eu l'honneur de compter parmi les élèves, les étudiants de cette personnalité remarquable.

   

Dans mon enfance, dans l'école de mon village et dans tout le Zanguezour, il était quasiment impossible de trouver, parmi les élèves de mon âge et parmi ceux plus âgés, un enfant qui n'eût pas lu le Manifeste du jeune homme en entier, ou au moins deux ou trois chapitres de ce livre remarquable. Le nom de Mir Djalal était connu de tous les élèves et de tous les étudiants. À cette époque, la télévision n'était pas encore arrivée à Bakou. On connaissait les écrivains par leurs œuvres et grâce aux périodiques. Nous voyions les portraits de nos écrivains seulement dans les livres et rarement dans les journaux. Mais les images des ces idoles littéraires vivaient en nous, dans notre imagination. Peut-être est-ce pour cette raison que je reconnus Mir Djalal muallim aussitôt que je l'eus remarqué, lors des examens d'admission à l'université en août 1963 dans les bâtiments de l'Université d'État d'Azerbaïdjan, qui se trouvait alors au 49 de la rue Nizami. J'étais examiné par un  autre  professeur  de  l'Université.  Je  ne  détachais  cependant  pas  mon  regard  de  Mir  Djalal muallim pour lire ses réactions dans l'expression de son visage : cela n'échappa pas à l'attention de mon jeune examinateur (un savant, critique littéraire et historien de la littérature à l'heure actuelle, que j'estime beaucoup), ainsi qu'à celle des autres membres de la commission des examens d'admission. À mesure que je répondais aux question qui m'étaient posées, l'expression du visage de de Mir Djalal muallim restait impassible, ne changeait pas, et cela m'inquiétait. Pourtant, à la fin de mon entretien, je remarquai, à l'expression de son visage, qu'il avait été satisfait de mes connaissances et je me rassurai et me tranquillisai. C'est ainsi que je rencontrai Mir Djalal muallim pour la première fois, et, pendant les quinze ou vingt minutes durant lesquelles je répondais aux questions,  je  n'entendis  pas  sa  voix.  Ma  première  impression fut qu'il était une personne extrêmement calme, maître de soi-même. Dès que je fus descendu dans la cour de l'Université, quelqu'un m'aborda : «Qui sont les examinateurs?» «L'un d'eux est Mir Djalal muallim. Les deux autres, je ne les connais pas. Je ne connais pas non plus le professeur qui m'a examiné». «Si Mir Djalal muallim, lui, est présent à l'examen, tout sera donc en ordre, à sa place!» Je n'ai toujours pas oublié ces paroles, les paroles d'une jeune personne, d'un étudiant de troisième ou quatrième année de l'Université (il accompagnait son frère cadet venu passer les examens d'admission. Je le connus plus tard): «On a mis le nom de Mir Djalal muallim parmi les examinateurs pour que les examens se passent comme il faut!..»

Le département, dirigé par Mir Djalal muallim est resté à tout jamais gravé dans ma mémoire, je le revois encore. La chaire se trouvait alors dans le bâtiment principal de l'Université (devenu depuis le bâtiment principal de l'Université d'Économie d'État d'Azerbaïdjan), dans une grande salle, en haut des escaliers qui menaient au premier étage. C'était la chaire où se rassemblaient plusieurs savants renommés, leur lieu de rencontre.

Souvent, Mir Djalal muallim arpentait la salle en silence. Il y régnait un silence profond, un calme et une tranquillité singuliers. Alors étudiant, j'y passais, parfois, moi aussi, comme si je visitais un temple des sciences et des lettres. Des savants et des professeurs très connus en ce temps-là, tels   Akbar Agayev, Ali Fahmy, Bahtyar Vahabzadé, Ismaïl Alizadé, Raïfa Hassanova, Aziza Djafarzadé, Farida Vézirova, Djamal Ahmédov, Abbas Zamanov, et d’autres encore, travaillaient dans cette chaire.

Parmi eux, il y avait de jeunes professeurs de talent. Ils étaient tous « les enfants », les élèves, les étincelles de Mir Djalal muallim à qui il prêtait secours pour avancer sur les sentiers épineux les plus difficiles de la science et de la vie. Il y avait aussi ceux qui nous ont quitté très tôt, Firidoun Husseïnov, Inayat Bektachy, Vaguif Vélyev, Abouzar Issmaïlov, Firouz Sadigzadé, Kamal Mirbaguirov, et ceux qui aujourd'hui continuent leurs recherches scientifiques et leurs activités professionnelles, notamment Panah Khalilov, Djalal Abdoullayev, Gulhusseïn Husseïnoglu, Gara Namazov, Tahsin Moutallibov, Azad Nabyev, Abdoulla Abbassov, Halid Alimirzayev et plusieurs autres diplômés de la chaire de Mir Djalal muallim.

Le lecteur pensera que ce sont des savants, des chercheurs scientifiques à différents niveaux et dans différents domaines de la littérature. Ainsi, Akbar Agayev et Ismaïl Alizadé sont professeurs de littérature étrangère; Abouzar Ismaïlov et Gülhussein Husseïnoglu sont spécialistes en littérature russe, Panah Khalilov enseigne la littérature des pays membres de la CEI[2]  et des pays baltes, alors que Firouz Sadigzadé était chercheur en littérature antique et médiévale azerbaïdjanaise, Raïfa Hassanova et Kamal Mirbaguirov enseignaient la littérature azerbaïdjanaise du XIXè  siècle. Le lecteur aura raison. Le fait est qu'à cette époque, à l'Université d'État d'Azerbaïdjan, il n'y avait qu'un seul «vaisseau amiral» de notre système éducatif: le department de literature azerbaïdjanaise! Cette chaire rassemblait toutes les disciplines de la littérature: la littérature nationale, ainsi que la littérature étrangère. La critique littéraire, et même l'histoire de la littérature composaient aussi cette chaire. Toutes les autres chaires de littérature créées par la suite descendent de la célèbre chaire de Mir Djalal muallim. Elles occupaient des salles de taille modeste dans le nouveau bâtiment de l'Université.

La chaire d'histoire de la littérature azerbaïdjanaise se trouvait également dans une grande salle du nouveau bâtiment de l'Université, mais Hafiz Pachayev raconte que Mir Djalal muallim ne pouvait pas s'accoutumer au nouveau bâtiment. Certes, changer ses habitudes de travail, habitudes de longue date, par exemple prendre les transports pour aller au nouveau bâtiment, ne pouvait guère plaire au savant, car, durant plusieurs années, Mir Djalal muallim fit le même trajet aller-retour: il sortait de son appartement, en face de l'ancien hôtel « Intouriste», non loin de Bahram Gour, marchait le long des quais de la Caspienne, traversait le jardin du «Goubernator», prenait ensuite une rue devant le «Baksoviet», et arrivait à son Université.

À l'université, tout le monde avait de la sympathie, un grand respect et de l'amour pour lui. La jeunesse – étudiants, aspirants et aspirantes[3], laborantins et laborantines – tous l'adoraient comme savant, professeur, intellectuel et comme précepteur, «père agsaggal!»[4] Grâce à cette grande estime et cet amour, les étudiants et les auditeurs n'ayant pas la chance de compter parmi ses étudiants, suivaient ses cours en auditeurs libres. Et moi, je faisais partie de ces étudiants. Même aujourd'hui je me rappelle avec beaucoup de plaisir des cours de critique littéraire et d'histoire de la littérature de Mir Djalal muallim et les cours de linguistique générale d'Agamoussa Akhoundov, de première et deuxième années. Les professeurs qui nous enseignaient ces cours étaient compétents, de fins et savants connaisseurs, des professeurs de talents, eux aussi. Je m'étais adressé  à Chameddin, un excellent étudiant du cours supérieur (plus tard, sa mort subite l'obligea à nous quitter et nous perdîmes avec lui un grand savant et un linguiste-turcologue talentueux), pour qu'il remît ma requête au grand professeur afin d'assister à ses conférences. Il la lui avait transmise et avait reçu une réponse favorable. Après le second cours, Mir Djalal muallim s'approcha de moi :

  Qui vous enseigne la critique littéraire?

  Nous n'apprenons pas encore la critique littéraire.

  Tu es en première année? voulut-il préciser.

– Oui, dis-je. Mais je voudrais écouter  vos conférences. Même  si vous faites des conférences sur d'autres disciplines, comme sur l'histoire de la littérature, par exemple, j'y assisterai. Je veux vous écouter.

  Soit.

Il ne dit plus rien.

En seconde année, le jeune Tahsine Mutallibov nous enseignait la critique littéraire. Lors de la première leçon, il nous énuméra les manuels et les ouvrages parus à cette époque et il ajouta:

«Je n'ai pas l'intention de diminuer l'importance de ces livres, je respecte leurs auteurs, mais je mènerai le contrôle et l'évaluation de vos connaissances sur mes conférences».

Les conférences de Tahsine muallim et ses idées étaient originales et intéressantes. En ce temps-là, l'ouvrage  de Mir Djalal muallim, «Les principes de la critique littéraire», dont Panah Khalilov était co-auteur, n'était pas encore paru.

Cependant, mes souvenirs liés aux cours de critique littéraire ne s'arrêtent pas là. En octobre de l'année 1964, j'avais été mobilisé pour le service militaire. Cet événement inquiéta beaucoup le doyen de la faculté des lettres, Aleuvsat Abdoullayev, ainsi que les autres professeurs. Sur la proposition du doyen, je fus transféré à la faculté d'études par correspondance, pour ma troisième année. Aleuvsat muallim me dit:

   Tu peux continuer tes études par correspondance. Nous te convoquerons une fois par an pour passer tes examens. De cette façon, tu pourras poursuivre tes études et, en même temps, faire ton service militaire. Nous allons donner l'ordre de régulariser ta situation et que tu sois en troisième année, pour que tu ne perdes pas une année de plus (car, alors, les cours de la faculté de lettres duraient cinq ans, tandis que les cours par correspondance duraient six ans).

Faute de temps, je devais passer les examens, épreuves et travaux de laboratoire, d'une manière externe, en cinq ou dix jours. Je les passais quand même. Seulement, lors de l'examen de critique littéraire, j'eus un dialogue, un entretien « intéressant » avec le professeur.

 Bien qu'encore en première année d'études, j'assistais au conférences de Mir Djalal muallim, et au premier semestre de la seconde année, je suivais les cours de Tahsine Mutallibov, je dus  cependant  répondre,  lors  de  l'examen,  à  un  tout  autre  professeur,  car  c'était  un  « autre » professeur qui avait fait les conférences de la faculté par correspondance (Je tairai son nom car il est décédé. Que dieu garde son âme). À la deuxième ou troisième question, j'eus un heurt avec ce professeur. Nos idées se croisèrent. Je parlais de la notion de sujet sur laquelle portait la question :

   Le sujet, c'est la ligne de développement des évènements dans une œuvre littéraire... Je me mis à énumérer les  composantes,  je  donnai  des  explications.  «L'autre professeur» me répétait :

   Explique-moi en langue populaire, en un langage simple, ce que c'est que le sujet.

Je ne connaissais pas mal le langage courant, et je transformais le jargon du livre en langue parlée. Je détaillais les lignes du sujet dans le «Poème du Komsomol» et de Eugène Onéguine, et j'argumentais mes positions. Il insista de nouveau :

   Explique moi en un langage simple, en langue parlée. Enfin, j'en eus assez de ses questions et je demandai :

   Peut-être  allez-vous  enfin  m'expliquer  vous-même  en  langage  parlé  ce  qu'est  le sujet? Cet « autre » professeur ne s'attendait pas à un tel échec. Tout d'abord, il se sentit perdu, puis, en regardant autour de lui, il tâchait de se rassurer.

   Vous êtes où?

   À Bakou.

Il était certainement impossible de cacher l'ironie dans ma voix.

   Non, je dis «ça».

Il ouvrit grand les bras, faisant signe qu'il prenait en considération l'énorme bâtiment de l'université.

   C'est l'Université.

   Voilà. C'est ça, merci.

Comme si c'était, là, l'essentiel du sujet.

   D'ici, je dois aller à la gare. Je descends dans la cour. Quel bus dois-je prendre? me demanda-t-il.

Je me tus.

   Je prends le bus 39[5],  je passe devant l'Académie, le square Sabir, puis je descends sur les quais qui bordent la mer... je passe devant le musée Lénine... je tourne à gauche... et, enfin, j'arrive à la gare. Tiens, voilà ce qu'est la ligne du sujet d'une œuvre littéraire.

Je me levai tranquillement. Je ramassai mon carnet de notes et le mis dans la poche intérieure de mon veston.

   Assieds-toi. Où est-ce que tu vas? me demanda-t-il.

   Faire mon service militaire.

   Qu'est-ce qu'il dit?.. Il regarda autour de lui, comme si quelqu'un devait répondre à ma place.

 Quand je me fus levé de mon siège et que je me fus dirigé vers la sortie, je remarquai que  la chaire était pleine  de monde. Pendant que  cet « autre  professeur » m'ennuyait avec sa «langue populaire», la pause avait commencé et les enseignants étaient entrés dans la salle. Mir Djalal  muallim  y  était  aussi  et  tout  le  monde  avait  écouté  les  « considérations »  de  mon examinateur. Je n'avais pas remarqué l'attroupement des professeurs car j'étais assis dos à la porte principale.

   Reviens, voyons ! Mais c'est une plaisanterie. Mon « autre » professeur était fort alarmé.

Je  me  tournai  vers  Mir  Djalal  muallim,  debout  devant  son  bureau,  qui  avait probablement écouté le problème du «langage populaire». Je le saluai avec respect et dis:

   Excusez-moi, Mir Djalal muallim. Et je me retirai.

Peu après, je vis dans le hall Djalal Abdoullayev qui était alors jeune.

   Il t'a mis « excellent », donne-lui ton carnet de notes, qu'il le signe.

   Je ne veux pas que sa signature figure dans mon carnet.

   Oublie ça : c'est une personne âgée, m'exhortait Djalal muallim.

   Déjà oublié.

Mir Djalal muallim éclata de rire :

   Ce sera une leçon pour lui.

Deux jours après, je croisai Mir Djalal muallim dans le hall. Il souriait d'un air significatif,  sans  doute  se  rappelait-il  cette  scène  comique...  Ensuite  il  me  demanda,  avec sympathie :

   N'as-tu pas de difficultés à passer tes différents examens ?

   Non, Mir Djalal muallim, répondis-je fermement.

   Quand tu reviendras pour les sessions d'examens, viens me voir.

   Avec plaisir, Mir Djalal muallim.

Je pris ces mots pour une précieuse récompense, et je m'en rappelle toujours avec grand  plaisir.

Voici la raison pour laquelle je me suis rappelé cette histoire : à cette époque, il y avait plusieurs « autres » professeurs à la faculté de lettres, mais l'éminence, le niveau de la culture, l'intelligence de Mir Djalal muallim remettaient tout à sa place, ne laissait pas lieu à l'injustice volontaire.

Je passai tous les différents examens, les épreuves et les travaux de contrôle en huit jours et je devins étudiant de troisième année. Je rentrai dans mon village natal pour faire mes adieux à mes proches. Mon frère aussi, avait été appelé au service militaire. Pour cette raison, on m'accorda un délai, et je fus nommé directeur de l'école à la place de mon frère aîné. De cette manière, je travaillais jusqu'en mars 1966 en tant qu'enseignant à Maralzémy, puis commençais à travailler à la rédaction du journal L'Arménie Soviétique à Irévan , où l'on m'avait invité.

Lorsque je rentrais à Bakou pour les sessions d'examen d'été ou d'hiver, j'allais à chaque fois voir Mir Djalal muallim. Surtout lorsque je travaillais à Irévan, nos conversations furent longues.   Il   s'intéressait particulièrement  aux Azerbaïdjanais  qui  habitaient  à  Irévan, en Azerbaïdjan Occidental. Il s'intéressait également au milieu littéraire et s'inquiétait du nationalisme arménien. Il s'informait des comportements et de la conduite des écrivains arméniens qu'il avait connu lors de rencontres à Bakou ou à Moscou. Je lui racontais en détail tout ce que je savais. Je l'invitai à Irévan. Il le dit lui-même: la dernière fois qu'il avait été à Irévan  datait de 1953 et il n'avait plus eu l'occasion d'y retourner. Il se renseignait sur les écrivains arméniens originaires d'Azerbaïdjan. Je lui disais que la plupart d'entre eux était aussi infectée par la peste nationaliste. Je me souviens de ses mots amers: «Ils ont mangé notre pain, maintenant ils nous jettent la pierre».

Il dit qu'il voulait y venir, surtout pour rencontrer les nôtres, nos compatriotes. Hélas, les douze années que j'ai passées à Irévan, jamais il n'eut l'occasion de me rendre visite.

Quand j'étais en dernière année, un des professeurs de sa chaire fut accusé de plagiat. Lors de la réunion de sa chaire et de la rencontre avec des diplômés qui avaient préparé leur diplôme d'études supérieures, il leur dit.

   On nous critique à juste titre dans la presse. On a raison. Soyez prudents.

Un autre collaborateur de  la  chaire  avait aussi plagié. Ce grand  écrivain et savant cherchait à le protéger des critiques. Il dit:

   Il ne faut pas le critiquer, mais lui faire corriger ses fautes, lui faire comprendre ses gaffes (bien que l'article n'eût aucun rapport avec le profil scientifique de sa chaire).

Les années qui suivirent, je continuais à collaborer et entretenir des contacts épistolaires avec plusieurs savants enseignants dans cette chaire, dans cet illustre centre littéraire et scientifique.

Au fil des ans, furent développés dans cette chaire les principes fondamentaux et les orientations de la recherche scientifique concernant l'histoire et la théorie littéraire et l'art de la traduction  ;  ces  recherches  étaient  mises  en  œuvre  dans  le  cadre  de  l'Université  d'État d'Azerbaïdjan,  et  ensuite,  prises  comme  modèle  expérimental,  étaient  appliquées  dans  les recherches académiques d'autres universités, écoles supérieures, et, plus généralement, dans les milieux littéraires.

Mir Djalal muallim avait créé un immense centre scientifique et littéraire.

Je souhaite révéler encore un autre fait intéressant. Assez souvent, les professeurs qui faisaient des conférences dans nos cours avaient recours à Mir Djalal muallim, le citant. C'étaient des idées intéressantes, publiées ou non, écrites dans le cadre de discussions scientifiques, ou tout simplement dans le cadre de conversations. Tous ces raisonnements étaient sensibles. Ce qui m'est encore plus intéressant, est que, ni pendant mes années d'études à l'Université, ni plus tard, je n'entendis qu'un enseignant quelconque eut recours aux recherches scientifiques de son directeur de chaire et qu'il fut guidé par ses jugements, même non publiés (publication d'ailleurs interdite à l'époque).

C'est encore un témoignage de ce que tous, jeunes et ceux qui avaient atteint un âge respectable, l'aimaient et l'estimaient, sans exception.

   

On peut citer le nom de dizaines d'éminents savant qui ont fait progresser la littérature azerbaïdjanaise pendant ces deux derniers siècles. Pourtant, je tiens à signaler parmi eux deux grandes figures, les représentants de la littérature azerbaïdjanaise Mirza Fataly Akhoundov et Djalil Mammadgoulouzadé: Mirza Fataly, fondateur de notre dramaturgie nationale et du théâtre national professionnel, considérait ne pas avoir achevé sa mission; en général, il s'était fait un devoir de lutter pour le renouvellement de notre pensée nationale : il posa le problème de la réforme de l'alphabet, créa la nouvelle prose laïque, ainsi que des modèles de critique littéraires qui sont encore d'actualité, même aujourd'hui.

Djalil Mammadgoulouzadé, avançant dans les entreprises novatrices de Mirza Fataly Akhoundov, les transforma en tradition, les éleva au niveau d'école littéraire influente. Son œuvre, Étoiles trompées, élargit les horizons de la fiction littéraire en prose (surtout le genre du récit) ; nous sommes toujours sous le charme, ensorcelés par cette prose. Et, pour porter au mieux à la connaissance de son destinataire les Lettres de Kemal-ud-Dovla, il a véritablement révolutionné la conscience de tout l'Orient musulman et créa la revue Mollah Nesreddin. Je n'entrerai pas dans les détails concernant les mérites de ces deux géants de la littérature, eux qui ont dépassé les limites de leur époque. Je suis ravi de la qualité qui les distingue parmi d'autres grands noms – sentiment vif et extraordinaire au service des besoins les plus urgents de la nation, réflexion nationale et volonté désintéressée de cultiver les « terres vierges » de tous les problèmes courants de la vie nationale.

Au XXe siècle, le vide laissé en prose après Djalil Mammadgoulouzadé, et en prose par la révolution bolchévique après les années 20 et 30, est comblé, selon moi, par Mir Djalal muallim en tant qu'écrivain, savant, chercheur, professeur, pédagogue, publiciste et intellectuel.

   

Quand j’étais étudiant, il me semble que c'était en 1965, j'ai lu le poème de Bahtyar Vahabzadé. « À la santé du soleil vermeil» préfacé d'une épigraphe de Mir Djalal muallim.

«- Mon fils,  c'est le  mensonge qui brise, éclate les coupes. Pourquoi le verre  est-il coupable?

   Quel mensonge?

  Celui que vous répétez à vos coupes à chaque fois que vous vous asseyez à table et buvez à la santé de quelqu'un. Même l'acier ne peut le supporter».

Je  ne  me  rappelle  guère  de quel récit sont tirées  ces lignes,  mais  l'épigraphe  s'est nettement gravée dans ma mémoire. Je ne les ai pas oubliées, plus de trente ans après, parce qu'elles sont dites d'une manière naturelle et impressionnante. Les métaphores «brise» et «éclate», qui se suivent, rendent la formule particulièrement expressive. Car le mensonge et la ruse sont harams[6], et les harams peuvent casser et briser les verres. Bien que le verre contienne de l'eau-de-vie transparente et claire, il ne supporte pas les mensonges et les ruses. Ces métaphores ont plus d'importance pour le lecteur que tout un livre.

Souvenons-nous des titres des livres de l'éminent écrivain, du grand maître : La poste (1935),  L’homme ressuscité (1935), Le voleur de potager (1937), Les récits de la Patrie (1942), Les blessures de la Patrie (1943), Les récits de la vie (1945), Les personnes de mon âge (1947): tout est naturel et les titres de ses récits aussi. Ils font réfléchir les lecteurs.

Mir Djalal muallim, en tant que successeur et continuateur de l'école de Mirza Fataly Akhoundov, en tant qu'adepte des tendances idéologiques et littéraires de l'écrivain, en tant que porteur des caractéristiques de langue et des traditions professionnelles des années 30 à 70 du siècle passé, apporta une contribution importante dans le développement de notre prose et de notre langue littéraire nationale.

Je sentis dès ma jeunesse que le sommet absolu de la simplicité et du naturel de la langue scientifique et littéraire atteint par Mir Djalal muallim ne sont pas seulement les fruits du talent. Le jugement du grand maître me soutint et m'aida dans le chemin de la compréhension de la vérité: « Quand j'éprouve des difficultés dans ma création littéraire, dans ma vie, je me rappelle les gens que j'avais connus et contactés à Gandja, à Gédabey lorsque j'y travaillais comme enseignant et alors je m'enthousiasme, je me purifie... Et je surmonte toutes les difficultés».

La langue poétique pure, limpide, naturelle et pénétrante du grand maître avait été, dès son enfance et dans sa jeunesse, nourrie des éléments savoureux du patois de Tabriz, que l'on parlait dans son village natal d'Andalyb. Elle s'était enrichie, avait mûri et s'était gonflée de force durant les mois et les années de sa vie à Gandja, à Gédabey, à Bakou et à Gazan.

Son travail dans les rédactions des journaux «Le Communiste» et «Le jeune employé» joua un rôle important dans la purification et le polissage des syllabes, dans la production et l'élaboration du style littéraire. La langue des belles lettres, des travaux scientifiques et les paroles poétiques « mûrirent » et s'enrichirent au cours de ces étapes. Ce n'est pas un hasard si, dans les livres du remarquable écrivain Mouhtar Husseynzadé, qui dirigeait le département de linguistique azerbaïdjanaise durant les années 60-70, département aussi grand que celui de Mir Djalal muallim, la plupart des exemples et des modèles de prose littéraire de l'époque soviétique sont tirés des récits, nouvelles et romans de Mir Djalal.

Mouhtar muallim cite une grande quantité d'exemples de ces œuvres lors de ses conférences. La langue de la période des livres de Mir Djalal muallim est non seulement la réalité comprenant l'esprit et la mémoire du peuple, le coloris, le charme, l'énergie et la capacité de la langue maternelle, elle est aussi le facteur social irremplaçable, elle porte en elle le sens et l'esprit publics. Grâce à ces qualités, bien après la parution du dernier ouvrage de l'écrivain, les œuvres de Mir Djalal muallim sont, à de nombreuses reprises, citées dans la monographie de M.Terril intitulée «La langue d'Œdipe dans la littérature azerbaïdjanaise», récemment parue aux États-Unis. On y donne des informations sur sa création littéraire et sur ses travaux.

La langue de Mir Djalal, nourrie et inspirée des parlers du peuple, atteignit le sommet de la langue d'Œdipe, et à son sommet, elle garda en elle ses origines, son nom original et sa base nationale radicale.

   En un mot, la richesse de la langue de Mir Djalal muallim est la conséquence du talent de l'écrivain, mais aussi des souffrances des expériences pénibles de sa vie, et, à mon avis, de son travail dans son ensemble : c'est l'étape suivante de l'école Mirza Djalil.

   

Je me souviens de l'opinion exacte de l'académicien Kamal Talybzadé concernant les travaux scientifiques de Mir Djalal: «C'est de la littérature qu'il est venu à la science... Pour cette raison, les œuvres du savant n'offrent aucune prise à l'argumentation et à des conclusions non scientifiques».

Et c'est vrai. Il est vrai aussi que Mir Djalal muallim était venu à la science non pour obtenir des titres et des grades, non pour devenir académicien (étant l'auteur d'études précieuses et ayant acquis une autorité certaine dans la science, il n'entreprit jamais aucune démarche pour faire partie des membres de l'Académie) ; tout au long de sa carrière, il s'engagea dans l'étude systématique des différentes périodes de la littérature azerbaïdjanaise – de M. F. Akhoundov, F. Keutcharly jusqu'aux années 30, ainsi que dans l'étude de la créativité, des œuvres de ces coryphées, pour porter leur héritage jusqu'au peuple et élever l'étude de la littérature et de la critique littéraire au niveau scientifique.

Écrivain éminent, grand maître, savant, chercheur de talent, Mir Djalal muallim était cependant un professeur exigeant et empli de soins attentifs. Il menait une activité littéraire et pédagogique variée, dirigeait le travail d'une série d'études sur différentes périodes de notre littérature, afin de l'intégrer dans les recherches scientifiques fondamentales et dans le processus d'enseignement de ces branches de la connaissance.

Sa thèse de candidat ès science, publiée plus tard sous forme de la monographie intitulée «Les particularités poétiques de Fizouli», consacrée à l'un des plus grands poètes du XVIe  siècle, servait de livre de chevet aux hommes de lettres, aux chercheurs et aux étudiants de ma génération. Ce travail fut hautement apprécié de l'opinion scientifique. Sa thèse de doctorat, répondant au titre «Les écoles littéraires en Azerbaïdjan (1905-1977)» a été rééditée plus d'une fois. Les ouvrages cités jusqu'à présent gardent encore leur actualité et leur importance. Les monographies du savant, « Sur le réalisme de Djalil Mammadgoulouzadé » (1966) ,  « Le rire comme arme de l'art » (1968), « Les Classiques et les Contemporains » (1973), contribuèrent solidement à l'histoire de notre littérature et de notre critique littéraire. Il est impossible de ne pas citer les trois volumes de « L'histoire de la littérature azerbaïdjanaise », issus de sa collaboration active, ni de ne pas nous souvenir de ses réalisations dans le développement de plusieurs autres volumes, de ses recherches sur les différentes périodes et œuvres des représentants de la littérature azerbaïdjanaise des XIXe  et XXe  siècles (en particulier de D. Mammadgoulouzadé, N. Narimanov, A.Hagverdyev, et d'autres encore), ainsi que de plusieurs autres ouvrages. Étonnant est un tel éventail, une si large gamme d'activités scientifiques et pédagogiques, à côté d'un patrimoine artistique plus que précieux, d'un héritage artistique inestimable.

Mir Djalal muallim, auteur de grandes œuvres volumineuses était habile dans l'art d'être lapidaire et exact, adroit dans l'énonciation, et souvent une seule phrase pouvait résumer l'esprit d'un article ou d'un livre tout entier. Je me souviens notamment de ses paroles: «Samed Vourgoun n'a pas gâché de papier dans sa jeunesse». Lorsque j'étais étudiant je connaissais par cœur presque tous les poèmes de jeunesse Samed Vourgoun et ceux de son adolescence (je m'en souviens encore aujourd'hui). Certainement, du point de vue de la théorie scientifique, des critères de valeur artistique, l'on peut trouver des défauts dans ses premiers poèmes, mais j'aime ces poésies en premier lieu pour la sincérité de leurs sentiments, et en tant que marque incontestable du talent. Cette  originalité  naturelle  conduisit  le  poète  au  sommet  de  l'art  à  l'époque  du  «Poème  du Komsomol»,  aux  chef-d'œuvres  de  la  poésie  avec  ses  «Azerbaïdjan»  et  «Je  ne  suis  pas pressé...».  L'opinion de Mir Djalal muallim, à propos du jeune Samed Vourgoun est conforme à son crédo créateur personnel et à sa relation aux paroles des écrivains. Mais Mir Djalal muallim non plus « n'avait pas gâché de papier dans sa jeunesse». Ou telle cette autre opinion de l'auteur sur Samed Vourgoun: «Samed Vourgoun a fait entrer l'Azerbaïdjan dans la poésie...» Une vérité orgueilleuse, mais une pure vérité de notre Histoire, une appréciation laconique et une évaluation juste de l'esprit national de notre grand poète et de ses services exceptionnels rendus à notre culture!

Le laborieux et illustre chemin historique parcouru par l'Azerbaïdjan et par notre peuple, sa vie nationale et culturelle, morale et spirituelle se reflètent dans nos pensées artistiques et dans notre poésie exceptionnelle, commençant par l'épopée de «Dada Gorgoude» pour se poursuivre jusqu'aujourd'hui. Dans la poésie de Vourgoun, l'Azerbaïdjan trouve son incarnation totale dans toute sa dimension historique et géographique et avec toutes ses teintes naturelles. La plus grande incarnation poétique de l'Azerbaïdjan, l'image lumineuse de notre Patrie, sont chantées non seulement dans «Qui pourrait écarter l'âme du corps ?..» que tous, petits et grands, connaissent par cœur,  mais  aussi  dans  d'autres  poèmes  du  poète,  tels  «Farhad et Chirine»,  «La légende de Bakou», «Les livres brûlés» et dans beaucoup  d'autres. Dans toutes les carrières, littéraires et scientifiques que Mir Djalal muallim a embrassées, dans tous les espaces sacrés de la Patrie, Mir Djalal muallim, lui aussi, a fait entrer l'Azerbaïdjan dans la prose, avec sa mémoire historique, géographique, avec ses régions et ses villages : il a étudié l'histoire séculaire de l'Azerbaïdjan. Pour cette raison, il disait avec orgueil que Samed Vourgoun avait fait entrer l'Azerbaïdjan dans la poésie!

… Mir Djalal muallim racontait que «Le livre de ma Mère» est  «un livre de la Vérité». Il écrivait: «Le livre de ma Mère», c'est «le livre de la Patrie». Ce n'étaient pas de simples paroles: il avait soutenu cette idée, ce haut sentiment de la vérité, dans ses recherches scientifiques et dans ses activités pédagogiques, ce qui était pour lui le vrai principe de la Vérité.

   

Dans les intéressants et volumineux essais de Nariman Hassanzadé «Le chef- d'œuvre et le héros principal de Mir Djalal» qui représentent le meilleur du genre épistolaire adressé à l'éminent physicien et académicien Arif Pachayev, nous trouvons un épisode autobiographique :

«- Qu'est-ce que tu recherches? me demanda-t-il avec un soin paternel.

  Je cherche du travail, Mir Djalal muallim, répondis-je comme un fils.

– Ne cherche pas de travail, cherche quelqu'un. Ce quelqu'un, voilà, c'est moi... Viens à l'Université et entre dans l'aspiranture.

Et j'y allai».

Lorsque Nariman Hassanzadé se présenta la première fois devant l'éminent savant, il n'avait pas encore enlevé sa capote de soldat. Mir Djalal muallim tenait par la main le jeune poète qui avait besoin de soins. Cette rencontre eut lieu en 1961. Il arrivait directement de l'Institut des Belles Lettres M.Gorky qu'il venait de terminer. L'éminent écrivain, scientifique et chef du département l'avait reçu avec un véritable soin paternel et l'avait admis dans l'aspiranture (tous les intéressés n'avaient pas cette chance-là, en ce temps-là), signalant le début d'une nouvelle ère dans la vie du jeune poète talentueux, non seulement en tant que savant, mais aussi en tant que poète. C'était un beau départ pour sa carrière littéraire: il devint boursier de thèse, reçut un logement, commença sa carrière pédagogique d'enseignant, occupa des postes d'importance dans la presse, devint rédacteur en chef d'un journal célèbre et s'engagea comme vice-ministre. Le principal est pourtant qu'il a pu créer des œuvres fondamentales. Certes, à cette époque, à Bakou, la recherche de travail  était  conditionnée  par  la  «recherche  de  la  personne»,  et  chaque  «personne»  dont  tu franchissais le seuil ne pouvait être Mir Djalal ! «Ne cherche pas de travail, cherche quelqu'un» – telle était la réalité ironique, en même temps amère, de cette époque !

Bien que nombre d'écrivains eussent fait tout leur possible pour entrer dans le Comité Central, ne fût-ce que pour l'honneur de franchir le seuil des audiences de l'état-major général, l'instance dirigeante de la République, en réalité, Mir Djalal muallim ne voulut jamais y aller. Il disait : «Je suis heureux de n'avoir jamais affaire à «Baksoviet».  Ceux qui connaissaient de près

Mir Djalal muallim savaient bien que ce n'était pas seulement une réplique, mais le résultat d'observations personnelles.

Tahsin Moutallibov se rappelle: «Nous passions devant «Baksoviet». Mir Djalal muallim s'arrêta. «Tu n'y es jamais entré?» Je demandai: «Mais pourquoi?» Mir Djalal muallim était surpris: «Comment cela, pourquoi? Mais c'est là que l'on peut recevoir un logement! D'où tiendraient-ils, les gens de «Baksoviet», que tu n'as pas d'appartement ? Entres-y, ouvre la porte du président et dis-lui : « Frère, voilà : je suis professeur de cette Université dans le voisinage et, justement, je n'ai pas d'appartement. » Et tu vas voir si dans trois jours, on ne te présente pas un bon appartement ou non». Je répondis: «Mir Djalal muallim, et qui va me laisser entrer chez le directeur? Déjà, pendant des journées entières les gens se languissent d'attente devant cette porte, de bon matin. Et moi? Est-ce que j'ai la patience de perdre mon temps dans les queues! Je me suis inscrit à l'Université pour recevoir un logement. Quand viendra mon tour, alors j'en recevrai un». Mir Djalal muallim secoua la tête: «Et bien! Si tu es si persévérant, attends ton tour».

Le fait est que Mir Djalal muallim était convaincu que les intellectuels et les enseignants devaient être traités avec un respect particulier. Selon lui, il importait de faire preuve d'un soin spécial vis-à-vis des universitaires et de leur offrir les meilleurs appartements.

Ces  épisodes  sont  l'illustration  du  soin  et  de  l'attention  du  grand  Savant  et  de l'Enseignant envers les jeunes chercheurs et savants, mais aussi envers le système bureaucratique qui existait à l'époque.

Il traitait les jeunes de son département comme ses propres enfants et ces relations «père-fils» provoquaient quelques  jalousies dans certains milieux. Cependant, les «enfants» aimaient de plus en plus leur «père». Quand ils poussaient la porte paternelle, Pusta Khanoum[7] dressait la meilleure table et faisait de son mieux pour les servir. Mûr d'âge, Nariman Hassanzadé dit qu'il est le fils de Pusta Khanoum. Tahsin Mutallibov ne peut oublier le goût exquis de sa cuisine, surtout le goût de la confiture de figue.

Les « enfants » suivaient l'exemple de leur « père », non seulement dans les activités du département,  mais  aussi  chez  lui.  Ils  adoraient  le  Père  debout  sur  son  palier,  observant attentivement, l'île Narguine avec une lunette. En ce temps, il était interdit d'observer cette île car là ce trouvait la prison où l'on enfermait les criminels les plus dangereux (Dieu seul sait lesquels parmi eux ont commis le crime le plus dangereux !)

L'humour, l'ironie et même le sarcasme dans la prose de Mir Djalal muallim découlent de la vie, incitent à la réflexion, mais, en réalité, durant ces années-là, il était des vertus pleines d'humour et de sarcasme que même des écrivains courageux et dévoués comme Mir Djalal muallim ne pouvaient pas reproduire en paroles : ces œuvres n'auraient pas été imprimées. Pour cette raison, les  vérités  « déloyales »  n'étaient  exprimées  par  le  savant  que  de  manière  humoristique  et sarcastique confidentiellement – dans les salles d'étude, le département, les milieux amicaux, en terre connue. Ses paroles couraient comme des aphorismes. Une réplique est pourtant restée gravée dans ma mémoire jusqu'à présent: «Les gens d'aujourd'hui lisent même l'acte de salutation «Soyez les bienvenus...»  C'est la pure vérité de l'époque de Khrouchtchev et de Brejnev. Lorsque l'on accueillait les chefs, les dirigeants de  pays  étrangers,  ou  d'autres  personnalités  officielles,  la personne qui les rencontrait, juste au pied de l'escalier lisait le texte préparé à l'avance, conformément au procès-verbal de l'Union Soviétique : «Monsieur un tel… (Lis: ou «Camarade un tel», soit l'un, soit l'autre – H.), soyez le bienvenu...» Pendant les réceptions officielles, pour porter un toast, on lisait ce texte: «À la santé de notre camarade respecté…, de notre ami (ou de notre frère) respecté…, à la santé du pays…!»  Mir Djalal muallim n'avait qu'à prononcer une seule phrase et tout le monde éclatait de rire, et ses paroles sages se gravaient dans les mémoires, vivaient dans les âmes, comme aujourd'hui en moi.

Sur une des plus hautes buttes de Bakou, sur les tombeaux dans lesquels dormaient nos martyrs fusillés en 1918, s'élevait une énorme statue de S.Kirov, visible de tous les coins de Bakou. Je ne suis pas certain que quiconque ayant la conscience nationale, une morale, de l'amour-propre pût regarder avec respect cette statue, statue de l'un des assassins de la nouvelle occupation, celle d'avril 1920. Quant aux véritables intellectuels, ils éprouvaient de la haine envers cette statue, sans que personne n'osât en parler.

L'académicien Arif Pachayev me répéta une phrase importante de Mir Djalal muallim concernant cette statue : «On demanda, en cachette, à Mir Djalal muallim:

  Si l'on détruisait cette statue, la statue de qui pourrait la remplacer? La réponse de Mir Djalal muallim fut courte et laconique.

  De celui qui la détruirait!»

(Comme on aurait voulu voir la personne qui pût la détruire!»

Le courage extraordinaire de Mir Djalal muallim se reflète à la perfection et avec une grande habileté dans sa prose. Dans le récit «À propos du bonheur», écrit en 1964, année où bouillait la censure soviétique, l'auteur parle du bonheur, discutant le sujet: «Qu'est-ce que le bonheur?» Chacun le traite à sa manière. L'un dit: c'est l'argent; l'autre dit: c'est une belle femme. Un professeur aux cheveux blancs qui aimait se taire et écouter les autres, tel Mir Djalal muallim, dit: «Le bonheur c'est quand les gens peuvent dire toujours et partout ce qu'ils pensent sans avoir peur des autres. À mon avis, si tous les pays, tous les peuples, tous les États, tous les chefs d'État fournissent cette grande richesse à leurs citoyens, il n'y aura plus d'oppression, ni de chagrin, ni de tristesse dans le monde entier, la justice s'établira, le monde s'éclaircira et se transformera en paradis. Les gens se sentiront légers, seront soulagés. Ils embelliront, se transformeront en anges. Tant que cela nous manquera, nous ne pourrons pas atteindre une culture parfaite, une évolution véritable, une véritable liberté humaine. Il n'y aura que des cancers dans les cerveaux, des plaies dans les âmes, de la tuberculose dans les poumons, de la fumée et de la poussière dans les pensées, de la colère et de la méchanceté dans les cœurs».

Mir Djalal muallim pouvait faire face aux «bureaucrates», à des hauts fonctionnaires soviétiques et du Parti, soi-disant de la culture, de la littérature et de la science au gré de la justice, pour défendre et conserver la manière de penser nationale.

Une  autre  sage  parole  du  Savant, devenue  proverbe  aujourd'hui,  est une  invitation humoristique: «Allons! Je te régale avec la réunion!» La période de Khrouchtchev était l'époque des réunions, réunions qui duraient « du matin au soir et du soir au matin», réunions qui duraient à n'en plus finir! Les journalistes demeuraient dans les maisons d'édition. Les communications insensées de Khrouchtchev ne touchaient pas à leur fin. Le Congrès du Parti Communiste dura presque quarante ans. Pendant dix jours, le Palais des Congrès du Kremlin avait été comble, plein comme un œuf. L'ensemble du pays, semble-t-il, s'était réuni à l'assemblée. Les intervenants se succédaient patiemment. Pendant dix jours, tous les regards de l'Empire gigantesque étaient rivés au Congrès, et ensuite, d'année en année, jusqu'au nouveau Congrès, les discussions commençaient dans certains lieux, des déclarations retentissaient, on adoptait les résolutions des travailleurs.

Mais  Mir  Djalal  muallim  ne  prononçait  qu'une  seule  phrase,  la  même  devenue proverbe: «Allons ! Je te régale avec la réunion!»

Maintenant, je voudrais me souvenir d'un récit de l'Écrivain qu'il avait appelé « Sec de réunions, paru en 1954, moment où la fièvre des réunions battait son plein, récit très intéressant par sa forme et son contenu. Je suis d'avis que ce que je vais raconter à propos de ce récit ne pourra pas mieux le présenter, mieux le caractériser. J'attire tout simplement votre attention sur deux petits chapitres de ce récit:

«Il existe des fruits secs, secs comme les figues séchées, les abricots séchés, des cornes séchées – il en existe beaucoup mais des Secs de réunion, cela existe rarement.

Il y a les fruits secs que l'on a séchés au soleil, mais il y a aussi les Secs séchés, dépités, consumés, amaigris et qui ont perdu tout sentiment de la vie dans les réunions.

Vous le connaissez, ce Sec de réunions. Même si vous ne le connaissez pas par son prénom, vous le connaissez par sa physionomie: il vous est très familier. Vous avez souvent remarqué dans la rue, à l'entrée des établissements ou dans des escaliers, un homme au pas pressé courbant son maigre corps en avant.[8]

Où se précipite-t-il ? À la réunion!

Le porte-feuille gris, usé, qu'il tient sous le bras est plein de papiers, de brouillons mal rangés.

Qu'est-ce que cela? Des procès-verbaux!

Pendant toute sa vie, il marche ainsi, la tête baissée, indifférent à ce qui se passe autour de lui, sans informations, sombre, broyant du noir, lugubre comme le ciel, pensif, accablé d'idées.

À quoi pense-t-il ? À la décision de la réunion!

Pour  Sec  de  réunions,  rien  n'a  d'importance,  nuit  ou  jour,  printemps  ou  automne, chaleur ou froid, Terre ou Ciel. En voyant cette personne morose, détachée du gazouillis des ruisseaux, du parfum des fleurs, du chant des oiseaux, de la musique, des sourires, des rires, de la gaieté, certains sont épatés, surpris, d'autres ne le supportent pas et le détestent.

Ne pensez pas qu'il agit ainsi seulement dans les lieux publics. Vous croyez peut-être qu'en rentrant chez lui après les réunions, en retirant son chapeau et voyant sa femme et ses enfants, sa physionomie change, l'expression de son visage change, et que son visage s'éclaircit et que l'on voit un sourire sur ses lèvres.

Non ! Vous vous trompez ! C'est une personne inébranlable, un homme de pierre, un homme à cheval sur ses principes, d'une nature de fer, qui sacrifie tout. Il est persuadé que nous sommes à jamais créés pour les réunions, que nous avons une tête pour préparer des décisions, des doigts pour écrire des procès-verbaux, des mains pour applaudir et que Dieu nous a fait le don de la voix pour faire des discours et des communications pendant les réunions ! À son avis, tout l'Univers à été créé suite à une réunion importante et est basé sur une résolution adoptée et cachetée au ciel. Vous ne me croyez pas? Levez la tête et regardez au ciel. Voyez les millions d'étoiles qui se sont rassemblées autour de la Lune présidant à la réunion ! Depuis des milliers d'années déjà, il y a des réunions ardentes, chaleureuses, au ciel et, de temps à autre, on en entend le grondement qui perce les oreilles sur Terre.

Voici la manière que le Sec de réunions a de s'adresser à sa femme:

  Camarade  Meyransa,  il  y  a  la  proposition  que  vous  laviez  et  séchiez  mes chaussettes!

Dans le cas où Meyransa se tait, il se lève de son bureau et frappe sur la table du boutémoussé de son crayon.

  La parole est à la camarade Meyransa pour la réponse!»

… Sa femme accouche d'une fille, il l'appelle: Conférence!

«Conférence grandit, plusieurs demandent sa main. Alors, Sec de réunions exige une enquête, un questionnaire. En entendant le mot « enquête », les marieurs, les faiseurs de mariages s'en retournent et s'en vont.

Un jeune homme nommé Asguer, qui aimait de bon cœur Conférence, trouva la solution au problème».

Dernières lignes du récit:

«Ce soir-là, Sec de réunion était assis à ranger les procès-verbaux. Meyransa était en train de mettre ses habits neufs. En levant la tête, le mari remarqua sa femme, se parant avec hâte, en grande joie, en gaieté.

  Où est-ce que tu vas, Femme? Lui demanda-t-il, surpris.

  Éh ! Nous avons une petite réunion!

  Et où est Conférence?

  Elle est aussi allée à sa réunion à elle et t'a envoyé un message.

 Meyransa sortit un bout de papier de sous le livre sur la table et dit :

  Il paraît que les enfants ont déjà adopté une certaine résolution. Lis et voyons comment tu la trouves.

  «Père, nous avons discuté longuement et nous avons pensé et repensé. Enfin, ne voulant pas vous faire de la peine, nous sommes allés au bureau de l'état civil. Demain, c'est notre mariage. Il aura lieu chez le fiancé. Si vous avez le temps après la réunion, vous pouvez nous faire l'honneur de venir. Conférence».

   

Sec de réunions devint plus sec encore. Il se dressa net:

   Comment ? Comment ? Ils ont adopté la décision, comme ça, sans la discuter... Qui a confirmé cette décision ?

Meyransa, conservant sa maîtrise et son indulgence répondit :

   Mais il faut que tu la confirmes, toi ! Sec de réunions se mit en fureur:

   Mais je n'ai pas lu son enquête, je n'ai pas révisé ses papiers. Comment est-ce que je peux confirmer une décision pareille ? Quel manque de discipline !...

Et Meyransa reprit, mettant ses  pieds dans les souliers:

 Tu vas la confirmer ou non, c'est ton affaire à toi. Moi, je serai à la noce chez Asguer. Prends soin de la maison. Ne laisse pas les portes ouvertes ! dit Meyransa et sortit en claquant la porte.

La maison tourna comme une meule devant les yeux de Sec de réunions».

   

Mir Djalal muallim avait toujours eu de la sympathie pour les personnes plus âgées que lui, il était sensible et attentif envers les gens de son âge, il était aussi bien disposé envers la jeune génération. Il prenait le même soin de notre littérature, de notre science et de notre éducation. Il était toujours parmi les étudiants et les boursiers de thèses. Pour cette raison, toute la jeunesse l'aimait et l'estimait. Je me rappelle d'un autre épisode: «En mai 1965, à la veille du vingtième anniversaire  de  la  victoire,  dans  une  étroite  ruelle  entre  «Baksoviet»  et  l'Université  de  cette époque, une quarantaine ou une cinquantaine d'étudiants (la plupart était des jeunes filles) avait abordé Mir Djalal muallim, tenant à la main les journaux qu'ils montraient à l'écrivain qui les examinait, ils lisaient quelque chose à haute voix, il semblait qu'ils l'interrogeaient sur quelque chose avec animation, avec un sourire radieux sur leurs visages. Là, il y avait des étudiants que je connaissais de près. L'un d'eux s'approcha de moi: «Nous y étions pour attendre Mir Djalal muallim, car nous connaissions l'heure de son arrivée à l'Université. Nous voulions lui montrer les journaux et l'interroger!..» «Et pourquoi ici et pas dans la cour de l'Université?» lui demandai-je.

«Mais  parce  que  la  cour  de  l'Université  est  trop  animée  :  il  y  a  toujours une  grande  foule, impossible d'entendre quelque chose » me répondit-il».

Chaque  étudiant de  l'Université voulait parler avec ce  grand et éminent Savant, et obtenir la possibilité de l'écouter.

En mars 1968, j'avais pris congé pour préparer ma thèse d'études universitaires, on célébrait l'anniversaire de Mir Djalal muallim. Dans toute l'Université, à la faculté de lettres, surtout dans le département bondé de littérature azerbaïdjanaise, régnait une atmosphère de fête. Mammad Arif,  Mammad  Djafar, Bahtyar Vahabzadé,  Bakir Nabyev,  Goulou Halilov,  Issa  Husseynov  et plusieurs autres hommes de talents et de science publiaient des articles sur l’anniversaire de Mir Djalal muallim.

À  la  veille  de  l'anniversaire,  moi  aussi,  j'eus  quelques  rencontres  avec  Mir  Djalal muallim en tant qu'étudiant. Ces rencontres sont à jamais gravées dans ma mémoire, dans mon âme. Je suis reconnaissant à Bahtyar Vahabzadé pour ces rencontres. Ce poète – professeur qui s'occupait en même temps de sa carrière pédagogique et poétique, ne voulant pas se détacher de cette dernière – demanda à Mir Djalal muallim de le charger de quelques étudiants «brillants»,[9] en thèse de diplôme d'études supérieures universitaires pour le remplacer dans l'enseignement. Et mon nom figurait  parmi ces étudiants. C'est pourquoi, ayant  affirmé le sujet de ma thèse scientifique  de littérature classique (que j'aimais beaucoup!), on décida de le remplacer par un sujet de littérature moderne. Mais quel serait le nouveau sujet? C'était au chef de département de décider.

Quand je rentrai dans la chaire, Mir Djalal muallim se tenait debout. En me voyant, il devina immédiatement la raison de ma visite, réfléchit un moment, et, comme à son habitude, se mit à marcher dans la pièce. Cette pause dura deux ou trois minutes. Enfin, il me demanda:

   Depuis l'année dernière paraît la revue «Oldouz». Tu la lis?

   Bien sûr !

   Oh oui, tu es poète, se rappela-t-il. Peut-être vas-tu écrire sur les poésies parues dans cette revue, par exemple, celles qui sont parues dans les numéros de 1967.

   Je peux écrire, Mir Djalal muallim!

Après avoir abandonné mon sujet « classique » préféré, le sujet sur la poésie de la revue «Oldouz» me paraissait intéressant.

C'était un sujet non étudié, sur lequel on n'avait pas fait de recherches, et qui n'était pas devenu l'objet d'une recherche scientifique approfondie.

Le choix de Mir Djalal muallim était un autre témoin de son intérêt pour la littérature moderne,  alors apparu  depuis  peu,  et  pour les jeunes chercheurs. Car la grande majorité des publications de la revue «Oldouz» étaient de la plume de jeunes auteurs!

Mon travail de diplôme fut prêt. Mon directeur de thèse me donna un avis favorable, ne corrigeant, à un certain moment, qu'une seule chose – il effaça, sur la page du titre, son titre honorifique «docteur ès lettres, professeur titulaire». Je m'étonnai. «Je suis poète», me dit-il. «À côté d'un grand Savant comme Mir Djalal muallim, ce n'est pas bien de me présenter comme «docteur ès lettres, professeur titulaire» Il ajouta: «C'est un écrivain brillant, en même temps qu'un savant éminent, un grand érudit».

Pendant  ma  soutenance  de  diplôme,  Mir  Djalal  muallim,  qui  parlait  en  de  rares occasions, émit une opinion flatteuse au sujet de ma thèse. La commission du jury de soutenance recommanda d'imprimer ma thèse dans les «Recueils scientifiques» de l'Université, et, moi, je fus recommandé pour l'aspiranture (mon destin m'appela dans d'autres voies).

Nous nous vîmes deux ou trois fois après cela. Mir Djalal muallim me conseilla de choisir un thème pour la thèse scientifique et de le soutenir. Même Bahtyar Vahabzadé, venu assister à la représentation de Deuxième voix au Théâtre Dramatique Azerbaïdjanais d'État de Irévan, me rappela cette idée de Mir Djalal muallim: «Nous pouvons adopter et accepter le sujet choisi, soit dans la chaire de Mir Djalal muallim, soit dans ma chaire (Bahtyar Vahabzadé était alors chef du département de littérature azerbaïdjanaise) et tu travailleras sur ce sujet». À la veille de son arrivée à  Irévan, Bahtyar Vahabzadé avait vu Mir Djalal muallim pour lui faire ses adieux. Et Mir Djalal muallim, m'envoyant ses salutations, lui avait demandé de me rappeler ses conseils.

Je n'avais jamais éprouvé un grand intérêt pour écrire et soutenir une thèse scientifique. Si j'avais eu pareil désir, j'aurais eu la possibilité et la chance de mieux connaître Mir Djalal muallim, de me trouver en contact direct avec ce grand Savant.

Pourquoi me suis-je rappelé cet épisode ? À cette époque, pour devenir candidat à l'agrégation, et ensuite obtenir un titre scientifique, beaucoup s'adressaient à Mir Djalal muallim, et, tout naturellement, la plupart des demandeurs recevaient une réponse négative et leur vœu ne se réalisait pas. Mais Mir Djalal muallim n'oubliait pas le jeune spécialiste qui habitait loin de Bakou et lui proposait aide et soutien. Une personne calme en apparence, bonne, débonnaire, un homme de principe,  convaincu,  persuadé,  consciencieux,  de  bonne  foi,  décidé,  résolu,  d'un  caractère audacieux! – tel était Mir Djalal muallim!

Ce n'est pas par hasard que Samed Vourgoun lui disait: «Tu es une personne slichkom poriadotchny»; ce qui voulait dire: «Toi tu es un homme assez honnête, assez brave».

Mir Djalal muallim disait «Un tel est modeste, assez bien, honnête». L'honnêteté, la modestie étaient les plus hautes qualités morales pour Mir Djalal muallim.

Ainsi  vont  des  passages  de «Devoir  moral.  Souvenirs  de  Mir Djalal de Khalid Alimirzayev:

«… Je me rappelle: une fois, un de nos aspirant entra dans la chaire, le dos courbé, en minaudant d'une manière féminine. Mir Djalal muallim ne le salua pas, et lui demanda d'un air moqueur:

   Monsieur un tel, tu es venu passer tes examens?

   Non, monsieur le Professeur, j'ai déjà passé mes examens il y a longtemps. Je prépare déjà ma soutenance, répondit l'assistant.

   Et pourquoi es-tu entré en te penchant? Tu as mal au dos?…

Il y  eut un court silence. Voyant l'aspirant se  perdre  après la  question  concrète  et pénétrante de Mir Djalal muallim, le vieux professeur de la chaire, Kamil Mirbaguirov (homme honnête, toujours juste et bon) intervint:

   Mir Djalal muallim, n'insistez pas: la maladie de ce bonhomme, ce n'est pas une maladie du dos, c'est celle d'occuper une place, un poste dans la chaire. C'est sa manière de vous aborder.

À ces mots, Mir Djalal muallim se fâcha, et mit le jeune homme à la porte.

   Frère,  va  chercher  du  travail  ailleurs.  Ce  n'est  pas  ta  place  ici.  Tu  t'es  trompé d'adresse.

Quand l'aspirant, confus, eut quitté la salle, Mir Djalal muallim s'adressa aux members de la chaire:

   Voyez ces gens-là, ils gâtent la société. Ils sont prêts à tout dans leur intérêt. Il leur manque de la personnalité, de l'honnêteté. Tu les fais sortir par la porte, ils rentrent par la fenêtre. Des pas grand-chose! Il faut protéger le système éducatif de ces types-là! Qu'ils aillent chercher du boulot ailleurs. L'enseignement, l'éducation est une question sacrée. Trahir l'éducation, c'est nuire à la nation.

Ces paroles de Mir Djalal muallim sont une bonne leçon pour nous, pour tous et pour toujours!

   

Je reviens à 1968, alors que je faisais mes adieux à l'Université.

En automne de cette année-là, on accorda à Mir Djalal muallim la récompense de Komsomol de la République pour son roman «Manifeste du jeune homme», resté dans ma mémoire comme un événement sans précédent: c'était la première fois que, pour son roman, édité en 1940, l'auteur était récompensé du prix Komsomol, 28 ans après sa parution, à son soixantième anniversaire.

Plus frappant et plus intéressant est un autre épisode rapporté dans les mémoires de l'écrivain Issa Husseynov, «Pourquoi vous aime-t-on?»: «En Arménie,[10] il y avait un ancien village nommé Dérétchitchék. Là vivait un achoug[11]  appelé Achoug Aly. Il avait joué au mariage de mon grand-père décédé en 1934 à l'âge de 80 ans. Ensuite, il avait joué au mariage de mon père. Un beau jour, les routes conduisirent Achoug Aly à Gazakh et... il joua à mon mariage. La voix, le saz et les récits  poétiques  de  cet  homme  de  près  d'un  siècle,  dont  personne  ne  savait  au  juste  l'âge, charmaient, ensorcelaient, comme toujours les auditeurs. Où en était le secret ? Les uns disaient que c'était grâce à l'air frais, le grand air du village de Dérétchitchék, les autres supposaient que c'étaient les sources naturelles, les eaux limpides de ce village. Mais il n'est venu à l'idée de personne de dire  :  le  mystère  de  l'Achoug,  c'est  la  BEAUTÉ  ET LE  CHARME  DE  SON  ÂME,  DE  SA MORALE!

Quand nous nous rencontrons, vous me rappelez Achoug Aly».

La beauté de l'esprit, de l'âme, la beauté spirituelle et morale de Mir Djalal muallim est toujours avec nous, aujourd'hui aussi!

  

Au printemps dernier, je devais assister à une pièce de théâtre basée sur les motifs de «L'homme ressuscité» au Théâtre Dramatique Académique National (dont le metteur en scène était le maître émérite des arts Oroudj Izzatoglu), mais, chaque fois, quelque chose me retenait. J'avais promis au directeur du théâtre que je viendrais sans faute voir le spectacle le 26 avril. À la fin de la journée, alors que je sortais pour aller au théâtre, je jetai un coup d'oeil au calendrier de chevet. Je remarquai la photo de Mir Djalal muallim. Au-dessus était écrit : «Naissance de l'écrivain, homme de lettres Mir Djalal (1908-1978)». Et c'était un cadeau, un signe du destin : c'était le quatre-vingt-dix-huitième anniversaire de Mir Djalal muallim et j'allais au spectacle comme si j'allais à son anniversaire, à sa fête.

«L'homme ressuscit é» fut écrit et publié en 1935 (alors que l'auteur avait 28 ans!). Ce roman, paru après les essais «Sur les chemins raisonnables» (1932) et «Les nouvelles et les essais» (1935), fut un véritable événement dans la vie littéraire d'Azerbaïdjan et un véritable manifeste de la prose de Mir Djalal. Les années qui suivirent, l'édition du roman «L'homme ressuscité» devint tabou, et, enfin, en 1978, le roman ressuscita.

Les personnages de ses œuvres sortent du peuple, ce sont des images des gens d'Azerbaïdjan d'avant la Révolution Socialiste d'Octobre, il y a presque cent ans. Je ne m'attendais absolument pas à avoir la sensation de connaître la plupart d'entre eux. Le plus intéressant et source, pour moi, de ravissement, est la maîtrise et l'art de l'écriture du jeune auteur, son habileté à créer diverses gammes vivantes en chair et en os, sa langue savoureuse.

La mise en scène de «L'homme ressuscité», est une action épique monumentale nous rappelant un peu les modèles épopées historiques littéraires. Les personnages joués sur scène par les artistes  du  Peuple  Nouraddin  Mehdikhanly  (Babirbey),  Hadjy  Issmaïlov (Machady Islam), Ramazan Novrouzov (Aly bey), Elkhan Agahusseynoglou (Guias), par les artistes émérites Aly Nour (Sarygly mollah), Saïda Goulyéva (Chapal Souraly), Firouz Khoudaverdyev (Hadjy Husseyn), Hidjran Nassibova (Qissa khanoum), Métanet Agakichyéva (Madame-Mamzel), Sévil Goulyéva (Telly), par les acteurs Samir Goulamov (Gadyr), Aïten Aidynguizy (Goumrou), Asslan Chirine (Geudek), Dilara Nazarova (Chirine) et d’autres interprètes restent dans la mémoire populaire avec toute leur originalité et leur individualité. La musique nationale colorée de l'artiste du Peuple et compositeur Agchine Alizadé,  la  mise  en  scène  réaliste  naturelle  de  l'artiste  émérite  Nazime Beykichyev contribuent à la découverte du contenu idéologique et artistique de la pièce.

La mise en scène de «L'homme ressuscité», n'est pas seulement un don pour le public d'aujourd'hui, mais également un panorama très instructif de la vie socio-politique de notre ère, de notre histoire ancienne, permettant de nous mettre au courant de la mentalité, des aspirations, des espoirs et des idéaux des gens de cette époque.

   

Dans la préface de la dernière édition de la monographie «Les écoles littéraires en Azerbaïdjan», la célèbre savante, la grande érudite, critique littéraire et professeure Narguiz Pachayeva anticipa son discours avec ces mots: «Permettez-moi de commencer mon discours non comme une petite-fille, bien que mon cœur déborde comme celui de la petite-fille – mais comme critique littéraire, historienne de la littérature...» Le fait est que la grande érudite, talentueuse, a révélé de manière professionnelle la dignité, les qualités précieuses des livres de l'écrivain en commençant son discours par «bien que mon cœur déborde comme celui de la petite-fille», un lapsus si agité, si ému, si motivé qu'il m'a fort intéressé et m'a fait réfléchir, premièrement, parce qu'à la question «Quel est votre chef-d'œuvre?», Mir Djalal muallim lui-même avait répondu:

«La plus grande œuvre que j'ai créée dans ma vie, c'est ma Famille!» Deuxièmement, j'ai toujours été intéressé par la biographie des grands hommes, par leur vie familiale, par leur singularité originale, invisibles dans leurs travaux, dans leurs activités sociales. J'ai toujours aimé l'ensemble de l'intégrité et de la personnalité comme un tout, comme un cœur dans le corps (à mon regret, il arrive parfois qu'il y ait deux cœurs dans une âme). Et personne ne peut connaître, exactement, l'univers privé d'autrui, les côtés invisibles ou tout simplement les côtés visibles de ses activités sociales, de sa vie créative, mieux que sa famille. Par conséquent, lors d'une rencontre avec notre Ambassadeur Hafiz Pachayev (aujourd'hui ex-Ambassadeur) à Washington (en avril 1993), fatigués des thèmes politiques et diplomatiques, ce fut un grand plaisir pour moi d'écouter les souvenirs de Mir Djalal muallim de la bouche de son fils. Les fragments et les épisodes de sa grande vie contés par Hafiz muallim produisaient sur moi l'impression d'un chapitre ou d'une œuvre toute entière.

Dès lors, même après 14 ans, aucune rencontre, à Bakou ou Washington, n'a passé sans que nous ne nous souvenions de Mir Djalal muallim. Hafiz muallim racontait, à ma demande, des épisodes plaisants sur lui, à la fois comme fils et savant. Il s'agissait de différents sujets, et parfois, il introduisait dans la conversation: «Mir Djalal muallim disait ainsi», «Mir Djalal muallim faisait ainsi» et cela me procurait un grand plaisir.

Lors d'une rencontre avec Hafiz Pachayev en 1993, je lui dis que je voulais écrire sur Mir Djalal muallim, que j'y songeais justement. Plus tard j'eus aussi l'occasion d'écouter, les récits du héros principal du «Chef-d'œuvre» -du fils aîné, l'éminent savant, une personne respectable du peuple Arif Pachayev, je l'écoutai avec grand intérêt et lui parlai de mon projet. Malgré cela, je ne me pressais pas d'écrire.

J'écris sur de grandes personnes quand, tout simplement, je ne peux pas ne pas écrire sur eux. Peut-être ne suis-je pas prêt maintenant encore à écrire ces notes ? Mais les années et les jours passant semblent me presser, m'autoriser à écrire.

Quand j'étais étudiant de première année, un des camarades de cours d'Hafiz Pachayev me l'avait montré de loin, de l'autre côté d'une rue, en me disant: «C'est le fils de Mir Djalal muallim». J'avais eu la curiosté de demander: «Il est comment?» Je me souviens de sa réponse, mot à mot: «Sincère, compétent, érudit et intelligent, loin de l'avidité». Plus tard, ayant connu de près Hafiz muallim, je me suis persuadé que, véritablement, il l'est, et je n'oublie pas non plus les mots d'Hafiz muallim: «Nous sommes une famille heureuse. Nous n'avons jamais manqué de gloire et de richesse. La gloire suit ceux qui ne la cherchent pas».

Un autre épisode, parlant de la bonté, de la justice, du caractère désintéressé, de l'altruisme et de la pureté morale de la famille Pachayev. La fille aînée de Mir Djalal muallim, Elmira Khanoum, fut directrice d'une des écoles de musique de Bakou. Comme dans d'autres écoles, dans la sienne aussi, on ne se passait pas des cadeaux que les parents faisaient aux enseignants. Certains enseignants suivaient même le sentier menant «des dons à la corruption, aux pots-de-vin». Et ce fait troubla beaucoup la famille. Mir Djalal muallim s'adressa au Ministre de la Culture en demandant de dispenser sa fille de la fonction qu'elle occupait. Celui-ci, une personne très réservée, ne put cacher sa surprise:

   Mais, Mir Djalal muallim, on ne vient que chez moi pour demander ce poste...

Mir Djalal muallim insista, obtint ce qu'il voulait, et toute la famille éprouva un soulagement.

   

De même que Mir Djalal muallim avait transformé la chaire universitaire de littérature azerbaïdjanaise  en  un  gros  centre  scientifique  et  pédagogique,  Arif  Pachayev,  lui,  savant  et physicien connu dans le monde entier, académicien, recteur et le véritable fondateur de l'Académie Nationale d'Aviation, tout autant que célèbre organisateur de l'éducation, joua un rôle irremplaçable dans l'organisation et la professionnalisation de cet établissement, qui, alors, n'avait pas de tradition suffisante en Azerbaïdjan. Et Hafiz Pachayev, comme je viens de le mentionner, a représenté notre pays aux États-Unis pendant de longues années.

Bien que je n'aie jamais eu l'occasion de rencontrer le fils cadet de Mir Djalal muallim, Aguil Pachayev, j'ai entendu beaucoup de bonnes opinions sur lui. Il fut à la tête d'une activité de bienfaisance pour notre littérature, notre culture et notre sport. En ce qui concerne les filles de Mir  Djalal  muallim, Adiba  Khanoum  est  une  femme  de  lettres  connue,  Elmira  Khanoum  est professeure de musique. Et les enfants, et les petits-enfants et les arrière-petits-fils et les arrière- petites-filles sont fidèles au préceptes moraux de Mir Djalal muallim et de sa fidèle compagnie, Pusta  Khanoum.  En  réfléchissant  à  cette  vérité,  je  pense: «Mais,  en  effet,  une  telle  grande personnalité avait le droit de dire: «La plus grande œuvre que j'ai créée dans ma vie, c'est ma famille».

Je reviens encore sur les paroles de Narguiz Khanoum: «…mon cœur déborde comme celui d'une petite-fille». Et j'aimerais que les enfants et les petits-enfants de cette grande personne inoubliable déchargent leur cœur, énoncent, expriment leurs sentiments cordiaux et leurs pensées sur cette personne, qu'ils partagent les souvenirs de leur père, de leur grand-père qui est une des figures classiques de notre littérature, de notre pensée sociale et culturelle du XXe siècle, qu'ils enrichissent notre littérature de mémoires. Ces livres sont nécessaires non seulement pour une seule famille, ses amis et ses proches, ou bien des chercheurs, mais aussi pour tout le peuple, pour toutes les générations futures.

 

 

April 2-3, June 1-2, 2006



[1] Chez nous, on appelle muallim une personne remarquable : intellectuel, savant ou homme d'esprit très respecté de la société. - H.

[2] Communauté des États Indépendants

[3] Bénéficiaires d'une bourse d'État préparant une thèse de candidat. - H.

[4] Surnom donné à une personne très respectée du peuple. - H.

[5] En ce temps-là, le bus 39, venant de l'autre bout de l'avenue Narimanov, passait devant « Baksoviet », il y avait juste un arrêt devant l'Université, et ensuite allait jusqu'à la gare ferroviaire.

[6] Défendus par la religion musulmane. - H.

[7] Khanoum signifie « madame » en azerbaïdjanais - H.

[8] Souligné par H.

[9] L'expression est de lui. - H.

[10] En Azerbaïdjan Occidental – en Arménie aujourd'hui. - H.

[11] Un barde caucasien. - H.

 

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