HIDAYAT
Les pages de l’unuvers de
MIR DJALAL
Traduit par: Tchémène
BABAKHANOVA,
professeur
titulaire de l’Université des
Langues d’Azerbaïdjan.
Rédigé par: Benoît HASLÉ,
professeur de français de l’Université
des Langues d’Azerbaïdjan, chargé de
cours.
Designé par: Oqtay
OROUDJOV
HIDAYAT, Les pages de l’Univers de Mir Djalal,
Bakou, Éditions «Apostrophe»,
2010, 47 pages.
L’auteur de ces essai-mémoires, le célèbre poète et dramaturge, Hidayat est une des personnes qui a été, étudiant, en contact direct avec un des coryphées,
lumière du XXe siècle, le remarquable écrivain Mir Djalal,
son maître
éminent.
Dans ce livre, l’auteur a pu recréer la remarquable image brillante et laconique du célèbre savant en commentant et interprétant les épisodes les plus caractéristiques qu'il s’agisse des sentences et des paroles sages, savoureuses, riches, justes
et
expressives de Mir Djalal tirées
de la propre mémoire de l’auteur, de son premier contact avec la signature de Mir Djalal, de ses années d’études à l’Université
d’État d’Azerbaïdjan, de l’attitude, des points de vue de principe et
justes de Mir Djalal qui, en ce temps-là, était chef
de la chaire de
littérature azerbaïdjanaise, des soins qu’il
lui avait accordés,
des réflexions intéressantes du
savant et critique
littéraire
sur
Mahammad Fizouli, Djalil Mammadgoulouzadé, Mirza Fataly Ahoundov, Samède Vourgoun, des
mémoires suaves et délicieux de l’académicien Kamal
Talybzadé, du pète national Nariman
Hassanzadé, des fils de l’écrivain
Arif Pachayev et Hafiz Pachayev, de sa petite-fille Narguiz Pachayéva
et d’autres.
© Hidayat. Les pages de l’Univers de Mir Djalal.
Après toutes ces années et après
la séparation des temps vécus, bon gré, mal gré, tu
te penches sur les années que tu as laissées dans un lointain
inaccessible, que l'on voit au travers du mirage des années, tu te
souviens des personnes à l'esprit remarquable que ton regard limpide
d'enfant grava dans ta mémoire, alors, ces personnes inoubliables te
manquent et tu as la nostalgie de cet Univers candide, pur. Et quand tu
rencontres les représentants de cet Univers dans la vie réelle
(tu les rencontres assurément!), les paroles sages de nos grands-parents
te reviennent à l'esprit: le
monde ne s'est pas appauvri. Et avec tout cela tu penses que, si les personnes
de même esprit, de même morale n'existaient pas, le monde serait
bien cruel, médiocre, injuste, impitoyable et sans merci...
J'avais connu et aimé certaines de ces
personnes parfaites, pour moi idéales, qui
pénétrèrent à jamais mon univers par leurs
œuvres, leurs paroles, leurs discours qui ont trouvé une
écho positif dans le public. Plus tard, je rencontrais de ces gens, dans
la vie réelle, j'eus des contacts personnels avec eux. J'avais connu Mir
Djalal muallim[1] grâce à son roman, Manifeste du jeune homme, alors que
j'allais à l'école de Maralzémy, un petit village montagnard
de Zanguezour. En plaignant le triste sort de Bahar, le héros du roman, en me gonflant du
courage et de la fierté de Sona, je considérais l'auteur de cette
œuvre comme l'un des plus remarquables et des plus grands écrivains
du monde. Plus tard, je compris, comme le dit Mirza Djalil, que c'est le temps
qui crée de pareilles œuvres et Dieu qui guide la main de l'auteur.
En quatrième classe, je dus changer
d'école afin de poursuivre mes études secondaires à
l'école du village voisin, Leuk: dans mon village, on ne pouvait
étudier que jusque à la quatrième (mon village n'avait
qu'une école à trois niveaux). Je me souviens de mon maître
de littérature, Ali Aliyev, qui parlait avec passion de son professeur,
Mir Djalal Pachayev (il appelait toujours son professeur par le nom et le prénom),
en éprouvant de la fierté à ce que cet éminent
écrivain et éducateur célèbre fût aussi son
professeur! Ali muallim était diplômé de la section
d'enseignement à distance de l'Institut Pédagogique
d'Azerbaïdjan (aujourd'hui l'Université Pédagogique d'État
d'Azerbaïdjan), qui, selon les Zanguezouriens, se classait deuxième
par son importance à l'époque (alors que l'on classait
première l'Université d'État d'Azerbaïdjan). Lorsque
je lui avais demandé avec ma curiosité naïve
d'enfant pourquoi Mir Djalal
muallim enseignait à l'Institut
et non à l'Université, ma
question piqua évidemment au vif le diplômé de l'IPA. «
Mais pour quelle raison l'Institut Pédagogique devrait-il être pire que l'Université?», m'avait-il
répondu avec dépit et
irritation. «Tiens... Mikaïl
Rafili, Abdoulazal Damirtchyzadé, Ahmed Seydov, Ismaïl Chihly...
aussi y enseignent ». Il en cita d'autres dont je ne connaissais pas le
nom. Ensuite, il reprit sa première question d'un ton plus
sévère et d'un air fâché : «En quoi l'IPA est-il
pire?».
Oui, ma question avait bien heurté
l'amour-propre de mon professeur Ali. J'essayai de réparer ma
maladresse: «Je
❦
❦ ❦
Dans mon enfance, dans l'école de mon village
et dans tout
Le
département, dirigé par Mir Djalal muallim est resté
à tout jamais gravé dans ma mémoire, je le revois encore. La chaire se trouvait alors dans
le bâtiment principal de l'Université (devenu depuis le
bâtiment principal de l'Université d'Économie d'État
d'Azerbaïdjan), dans une grande salle, en haut des escaliers qui menaient
au premier étage. C'était la chaire où se rassemblaient
plusieurs savants renommés, leur lieu de rencontre.
Souvent, Mir Djalal muallim arpentait la salle en
silence. Il y régnait un silence profond, un calme et une tranquillité
singuliers. Alors étudiant, j'y passais, parfois, moi aussi, comme si je
visitais un temple des sciences et des lettres. Des savants et des professeurs
très connus en ce temps-là, tels
Akbar Agayev, Ali Fahmy, Bahtyar Vahabzadé, Ismaïl
Alizadé, Raïfa Hassanova, Aziza Djafarzadé, Farida
Vézirova, Djamal Ahmédov, Abbas Zamanov, et d’autres encore,
travaillaient dans cette chaire.
Parmi eux, il y avait de jeunes professeurs de talent.
Ils étaient tous « les enfants », les élèves, les
étincelles de Mir Djalal muallim à qui il prêtait secours
pour avancer sur les sentiers épineux les plus difficiles de la science
et de la vie. Il y avait aussi ceux qui nous ont quitté très
tôt, Firidoun Husseïnov, Inayat Bektachy, Vaguif Vélyev,
Abouzar Issmaïlov, Firouz Sadigzadé, Kamal Mirbaguirov, et ceux qui
aujourd'hui continuent leurs recherches scientifiques et leurs activités
professionnelles, notamment Panah Khalilov, Djalal Abdoullayev, Gulhusseïn
Husseïnoglu, Gara Namazov, Tahsin Moutallibov, Azad Nabyev, Abdoulla
Abbassov, Halid Alimirzayev et plusieurs autres diplômés de la
chaire de Mir Djalal muallim.
Le lecteur pensera que ce sont des savants, des chercheurs scientifiques à différents niveaux
et dans différents domaines de la littérature. Ainsi, Akbar
Agayev et Ismaïl Alizadé sont professeurs de littérature
étrangère; Abouzar Ismaïlov et Gülhussein
Husseïnoglu sont spécialistes en littérature russe, Panah Khalilov
enseigne la littérature des pays membres de la CEI[2] et des pays baltes, alors que Firouz
Sadigzadé était chercheur en littérature antique et
médiévale azerbaïdjanaise, Raïfa Hassanova et Kamal
Mirbaguirov enseignaient la littérature azerbaïdjanaise du XIXè siècle. Le lecteur aura raison. Le fait est qu'à cette époque,
à l'Université d'État d'Azerbaïdjan, il n'y avait
qu'un seul «vaisseau amiral» de notre système éducatif: le
department de literature azerbaïdjanaise! Cette chaire rassemblait
toutes les disciplines de la littérature: la littérature
nationale, ainsi que la littérature étrangère. La critique
littéraire, et même l'histoire de la littérature
composaient aussi cette chaire. Toutes les autres chaires de littérature
créées par la suite descendent de la célèbre chaire
de Mir Djalal muallim. Elles occupaient des salles de taille modeste dans le
nouveau bâtiment de l'Université.
La chaire d'histoire de la littérature
azerbaïdjanaise se trouvait également dans une grande salle du
nouveau bâtiment de l'Université, mais Hafiz Pachayev raconte que
Mir Djalal muallim ne pouvait pas s'accoutumer au nouveau bâtiment.
Certes, changer ses habitudes de travail, habitudes de longue date, par exemple
prendre les transports pour aller au nouveau bâtiment, ne pouvait
guère plaire au savant, car, durant plusieurs années, Mir Djalal
muallim fit le même trajet aller-retour: il sortait de son appartement,
en face de l'ancien hôtel « Intouriste», non loin de Bahram Gour,
marchait le long des quais de la Caspienne, traversait le jardin du
«Goubernator», prenait ensuite une rue devant le «Baksoviet», et arrivait
à son Université.
À l'université, tout le monde avait de
la sympathie, un grand respect et de l'amour pour lui. La jeunesse –
étudiants, aspirants et aspirantes[3],
laborantins et laborantines – tous l'adoraient comme savant, professeur,
intellectuel et comme précepteur, «père agsaggal!»[4]
Grâce à cette grande estime et cet amour, les étudiants et
les auditeurs n'ayant pas la chance de compter parmi ses étudiants,
suivaient ses cours en auditeurs libres. Et moi, je faisais partie de ces
étudiants. Même aujourd'hui je me rappelle avec beaucoup de
plaisir des cours de critique littéraire et d'histoire de la
littérature de Mir Djalal muallim et les cours de linguistique
générale d'Agamoussa Akhoundov, de première et
deuxième années. Les professeurs qui nous enseignaient ces cours
étaient compétents, de fins et savants connaisseurs, des
professeurs de talents, eux aussi. Je m'étais adressé à Chameddin, un excellent
étudiant du cours supérieur (plus tard, sa mort subite l'obligea
à nous quitter et nous perdîmes avec lui un grand savant et un
linguiste-turcologue talentueux), pour qu'il remît ma requête au
grand professeur afin d'assister à ses conférences. Il la lui
avait transmise et avait reçu une réponse favorable. Après
le second cours, Mir Djalal muallim s'approcha de moi :
– Qui vous
enseigne la critique littéraire?
– Nous
n'apprenons pas encore la critique littéraire.
– Tu es en
première année? voulut-il préciser.
– Oui, dis-je. Mais je voudrais écouter vos conférences. Même si vous faites des conférences sur
d'autres disciplines, comme sur l'histoire de la littérature, par
exemple, j'y assisterai. Je veux vous écouter.
– Soit.
Il ne dit plus rien.
En seconde année, le jeune Tahsine Mutallibov
nous enseignait la critique littéraire. Lors de la première
leçon, il nous énuméra les manuels et les ouvrages parus
à cette époque et il ajouta:
«Je n'ai pas l'intention de diminuer l'importance de
ces livres, je respecte leurs auteurs, mais je mènerai le contrôle
et l'évaluation de vos connaissances sur mes conférences».
Les conférences de Tahsine muallim et ses
idées étaient originales et intéressantes. En ce temps-là, l'ouvrage de Mir Djalal muallim, «Les principes de la critique littéraire», dont Panah
Khalilov était co-auteur, n'était pas encore paru.
Cependant, mes souvenirs liés aux cours de
critique littéraire ne s'arrêtent pas là. En octobre de
l'année 1964, j'avais été mobilisé pour le service
militaire. Cet événement inquiéta beaucoup le doyen de la
faculté des lettres, Aleuvsat Abdoullayev, ainsi que les autres
professeurs. Sur la proposition du doyen, je fus transféré
à la faculté d'études par correspondance, pour ma
troisième année. Aleuvsat muallim me dit:
– Tu peux
continuer tes études par correspondance. Nous te convoquerons une fois
par an pour passer tes examens. De cette façon, tu pourras poursuivre
tes études et, en même temps, faire ton service militaire. Nous
allons donner l'ordre de régulariser ta situation et que tu sois en
troisième année, pour que tu ne perdes pas une année de
plus (car, alors, les cours de la faculté de lettres duraient cinq ans,
tandis que les cours par correspondance duraient six ans).
Faute de temps,
je devais passer les examens, épreuves et travaux de laboratoire, d'une
manière externe, en cinq ou dix jours. Je les passais quand même.
Seulement, lors de l'examen de critique littéraire, j'eus un dialogue,
un entretien « intéressant » avec le professeur.
Bien qu'encore
en première année d'études, j'assistais au
conférences de Mir Djalal muallim, et au premier semestre de la seconde
année, je suivais les cours de Tahsine Mutallibov, je dus cependant
répondre, lors de l'examen, à
un tout autre
professeur, car c'était un «
autre » professeur qui avait fait les conférences de la faculté
par correspondance (Je tairai son nom car il est décédé.
Que dieu garde son âme). À la deuxième ou troisième
question, j'eus un heurt avec ce professeur. Nos idées se
croisèrent. Je parlais de la notion de sujet sur laquelle portait la
question :
– Le sujet,
c'est la ligne de développement des évènements dans une
œuvre littéraire... Je me mis à énumérer
les composantes, je
donnai des explications.
«L'autre professeur» me répétait :
– Explique-moi
en langue populaire, en un langage simple, ce que c'est que le sujet.
Je
ne connaissais pas mal le langage courant, et je transformais le jargon du
livre en langue parlée. Je détaillais les lignes du sujet dans le
«Poème du Komsomol» et de Eugène Onéguine, et
j'argumentais mes positions. Il insista de nouveau :
– Explique
moi en un langage simple, en langue parlée. Enfin, j'en eus assez de ses
questions et je demandai :
–
Peut-être allez-vous enfin
m'expliquer vous-même en
langage parlé ce
qu'est le sujet? Cet « autre » professeur
ne s'attendait pas à un tel échec. Tout d'abord, il se sentit
perdu, puis, en regardant autour de lui, il tâchait de se rassurer.
– Vous
êtes où?
– À
Bakou.
Il était certainement impossible de cacher
l'ironie dans ma voix.
– Non, je dis
«ça».
Il ouvrit grand les bras, faisant signe qu'il prenait
en considération l'énorme bâtiment de l'université.
– C'est
l'Université.
–
Voilà. C'est ça, merci.
Comme si c'était, là, l'essentiel du
sujet.
– D'ici, je
dois aller à la gare. Je descends dans la cour. Quel bus dois-je
prendre? me demanda-t-il.
Je me tus.
– Je prends le
bus 39[5], je passe devant l'Académie, le square
Sabir, puis je descends sur les quais qui bordent la mer... je passe devant le
musée Lénine... je tourne à gauche... et, enfin, j'arrive
à la gare. Tiens, voilà ce qu'est la ligne du sujet d'une
œuvre littéraire.
Je me levai tranquillement. Je ramassai mon carnet de
notes et le mis dans la poche intérieure de mon veston.
– Assieds-toi.
Où est-ce que tu vas? me demanda-t-il.
– Faire mon
service militaire.
– Qu'est-ce
qu'il dit?.. Il regarda autour de lui, comme si quelqu'un devait
répondre à ma place.
Quand je me fus
levé de mon siège et que je me fus dirigé vers la sortie,
je remarquai que la chaire était
pleine de monde. Pendant que cet « autre
professeur » m'ennuyait avec sa «langue populaire», la pause avait commencé
et les enseignants étaient entrés dans la salle. Mir Djalal muallim
y était aussi
et tout le
monde avait écouté les «
considérations » de mon examinateur. Je n'avais pas
remarqué l'attroupement des professeurs car j'étais assis dos
à la porte principale.
– Reviens,
voyons ! Mais c'est une plaisanterie. Mon « autre » professeur était
fort alarmé.
Je me tournai
vers Mir Djalal
muallim, debout devant
son bureau, qui
avait probablement écouté le problème du «langage
populaire». Je le saluai avec respect et dis:
– Excusez-moi,
Mir Djalal muallim. Et je me retirai.
Peu après, je vis dans le hall Djalal
Abdoullayev qui était alors jeune.
– Il t'a mis «
excellent », donne-lui ton carnet de notes, qu'il le signe.
– Je ne veux
pas que sa signature figure dans mon carnet.
– Oublie
ça : c'est une personne âgée, m'exhortait Djalal muallim.
–
Déjà oublié.
Mir Djalal muallim éclata de rire :
– Ce sera une
leçon pour lui.
Deux jours après, je croisai Mir Djalal muallim
dans le hall. Il souriait d'un air significatif, sans
doute se rappelait-il
cette scène comique...
Ensuite il me
demanda, avec sympathie :
– N'as-tu pas
de difficultés à passer tes différents examens ?
– Non, Mir
Djalal muallim, répondis-je fermement.
– Quand tu
reviendras pour les sessions d'examens, viens me voir.
– Avec
plaisir, Mir Djalal muallim.
Je pris ces mots pour une précieuse
récompense, et je m'en rappelle toujours avec grand plaisir.
Voici la raison pour laquelle je me suis
rappelé cette histoire : à cette époque, il y avait
plusieurs « autres » professeurs à la faculté de lettres, mais
l'éminence, le niveau de la culture, l'intelligence de Mir Djalal
muallim remettaient tout à sa place, ne laissait pas lieu à
l'injustice volontaire.
Je
passai tous les différents examens, les épreuves et les travaux
de contrôle en huit jours et je devins étudiant de
troisième année. Je rentrai dans mon village natal pour faire mes
adieux à mes proches. Mon frère aussi, avait été
appelé au service militaire. Pour cette raison, on m'accorda un délai,
et je fus nommé directeur de l'école à la place de mon
frère aîné. De cette manière, je travaillais
jusqu'en mars 1966 en tant qu'enseignant à Maralzémy, puis
commençais à travailler à la rédaction du journal L'Arménie Soviétique
à Irévan , où l'on m'avait invité.
Lorsque je rentrais à Bakou pour les sessions
d'examen d'été ou d'hiver, j'allais à chaque fois voir Mir
Djalal muallim. Surtout lorsque je travaillais à Irévan, nos
conversations furent longues. Il s'intéressait
particulièrement aux
Azerbaïdjanais qui habitaient
à Irévan, en
Azerbaïdjan Occidental. Il s'intéressait également au milieu
littéraire et s'inquiétait du nationalisme arménien. Il
s'informait des comportements et de la conduite des écrivains arméniens
qu'il avait connu lors de rencontres à Bakou ou à Moscou. Je lui
racontais en détail tout ce que je savais. Je l'invitai à
Irévan. Il le dit lui-même: la dernière fois qu'il avait
été à Irévan
datait de 1953 et il n'avait plus eu l'occasion d'y retourner. Il se
renseignait sur les écrivains arméniens originaires
d'Azerbaïdjan. Je lui disais que la plupart d'entre eux était aussi
infectée par la peste nationaliste. Je me souviens de ses mots amers:
«Ils ont mangé notre pain, maintenant ils nous jettent la pierre».
Il dit qu'il voulait y venir, surtout pour rencontrer
les nôtres, nos compatriotes. Hélas, les douze années que
j'ai passées à Irévan, jamais il n'eut l'occasion de me
rendre visite.
Quand j'étais en dernière année,
un des professeurs de sa chaire fut accusé de plagiat. Lors de la
réunion de sa chaire et de la rencontre avec des diplômés
qui avaient préparé leur diplôme d'études
supérieures, il leur dit.
– On nous
critique à juste titre dans la presse. On a raison. Soyez prudents.
Un autre collaborateur de la
chaire avait aussi plagié.
Ce grand écrivain et savant cherchait
à le protéger des critiques. Il dit:
– Il ne faut
pas le critiquer, mais lui faire corriger ses fautes, lui faire comprendre ses
gaffes (bien que l'article n'eût aucun rapport avec le profil
scientifique de sa chaire).
Les années qui suivirent, je continuais
à collaborer et entretenir des contacts épistolaires avec plusieurs
savants enseignants dans cette chaire, dans cet illustre centre
littéraire et scientifique.
Au fil des ans, furent développés dans
cette chaire les principes fondamentaux et les orientations de la recherche
scientifique concernant l'histoire et la théorie littéraire et
l'art de la traduction ; ces
recherches étaient mises
en œuvre dans
le cadre de
l'Université d'État
d'Azerbaïdjan, et ensuite,
prises comme modèle
expérimental, étaient appliquées dans
les recherches académiques d'autres universités,
écoles supérieures, et, plus généralement, dans les
milieux littéraires.
Mir Djalal muallim avait créé un immense
centre scientifique et littéraire.
Je
souhaite révéler encore un autre fait intéressant. Assez
souvent, les professeurs qui faisaient des conférences dans nos cours
avaient recours à Mir Djalal muallim, le citant. C'étaient des
idées intéressantes, publiées ou non, écrites dans
le cadre de discussions scientifiques, ou tout simplement dans le cadre de conversations.
Tous ces raisonnements étaient sensibles. Ce qui m'est encore plus
intéressant, est que, ni pendant mes années d'études
à l'Université, ni plus tard, je n'entendis qu'un enseignant
quelconque eut recours aux recherches scientifiques de son directeur de chaire
et qu'il fut guidé par ses jugements, même non publiés
(publication d'ailleurs interdite à l'époque).
C'est encore un témoignage de ce que tous,
jeunes et ceux qui avaient atteint un âge respectable, l'aimaient et
l'estimaient, sans exception.
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On peut citer le nom de dizaines d'éminents
savant qui ont fait progresser la littérature azerbaïdjanaise
pendant ces deux derniers siècles. Pourtant, je tiens à signaler
parmi eux deux grandes figures, les représentants de la littérature
azerbaïdjanaise Mirza Fataly Akhoundov et Djalil Mammadgoulouzadé:
Mirza Fataly, fondateur de notre dramaturgie nationale et du
théâtre national professionnel, considérait ne pas avoir
achevé sa mission; en général, il s'était fait un
devoir de lutter pour le renouvellement de notre pensée nationale : il
posa le problème de la réforme de l'alphabet, créa la nouvelle
prose laïque, ainsi que des modèles de critique littéraires
qui sont encore d'actualité, même aujourd'hui.
Djalil Mammadgoulouzadé, avançant dans
les entreprises novatrices de Mirza Fataly Akhoundov, les transforma en
tradition, les éleva au niveau d'école littéraire
influente. Son œuvre, Étoiles
trompées, élargit les horizons de la fiction
littéraire en prose (surtout le genre du récit) ; nous sommes toujours
sous le charme, ensorcelés par cette prose. Et, pour porter au mieux
à la connaissance de son destinataire les Lettres de Kemal-ud-Dovla, il a véritablement
révolutionné la conscience de tout l'Orient musulman et
créa la revue Mollah Nesreddin. Je n'entrerai pas dans les
détails concernant les mérites de ces deux géants de la
littérature, eux qui ont dépassé les limites de leur
époque. Je suis ravi de la qualité qui les distingue parmi d'autres
grands noms – sentiment vif et extraordinaire au service des besoins les plus
urgents de la nation, réflexion nationale et volonté
désintéressée de cultiver les « terres vierges » de tous
les problèmes courants de la vie nationale.
Au
XXe siècle,
le vide laissé en prose après Djalil Mammadgoulouzadé, et en
prose par la révolution bolchévique après les
années 20 et 30, est comblé, selon moi, par Mir Djalal muallim en
tant qu'écrivain, savant, chercheur, professeur, pédagogue,
publiciste et intellectuel.
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Quand j’étais étudiant, il me semble que
c'était en 1965, j'ai lu le poème de Bahtyar Vahabzadé. «
À la santé du soleil vermeil» préfacé d'une
épigraphe de Mir Djalal muallim.
«- Mon
fils, c'est le mensonge qui brise, éclate les coupes.
Pourquoi le verre est-il coupable?
– Quel
mensonge?
– Celui que vous répétez à
vos coupes à chaque fois que vous vous asseyez à table et buvez
à la santé de quelqu'un. Même l'acier ne peut le
supporter».
Je ne me
rappelle guère de quel récit sont tirées ces lignes,
mais l'épigraphe s'est nettement gravée dans ma
mémoire. Je ne les ai pas oubliées, plus de trente ans
après, parce qu'elles sont dites d'une manière naturelle et
impressionnante. Les métaphores «brise» et «éclate», qui se
suivent, rendent la formule particulièrement expressive. Car le mensonge
et la ruse sont harams[6], et les
harams peuvent casser et briser les verres. Bien que le verre contienne de
l'eau-de-vie transparente et claire, il ne supporte pas les mensonges et les
ruses. Ces métaphores ont plus d'importance pour le lecteur que tout un
livre.
Souvenons-nous des titres des livres de
l'éminent écrivain, du grand maître : La poste (1935), L’homme ressuscité (1935), Le voleur
de potager (1937), Les récits de la Patrie (1942), Les blessures de la
Patrie (1943), Les récits de la vie (1945), Les personnes de mon
âge (1947): tout est naturel et les titres de ses récits aussi.
Ils font réfléchir les lecteurs.
Mir Djalal muallim, en tant que successeur et
continuateur de l'école de Mirza Fataly Akhoundov, en tant qu'adepte des
tendances idéologiques et littéraires de l'écrivain, en
tant que porteur des caractéristiques de langue et des traditions
professionnelles des années 30 à 70 du siècle
passé, apporta une contribution importante dans le développement
de notre prose et de notre langue littéraire nationale.
Je sentis dès ma jeunesse que le sommet absolu
de la simplicité et du naturel de la langue scientifique et littéraire
atteint par Mir Djalal muallim ne sont pas seulement les fruits du talent. Le
jugement du grand maître me soutint et m'aida dans le chemin de la
compréhension de la vérité: « Quand j'éprouve des difficultés dans ma création
littéraire, dans ma vie, je me rappelle les gens que j'avais connus et
contactés à Gandja, à Gédabey lorsque j'y
travaillais comme enseignant et alors je m'enthousiasme, je me purifie... Et je
surmonte toutes les difficultés».
La langue poétique pure, limpide, naturelle et
pénétrante du grand maître avait été,
dès son enfance et dans sa jeunesse, nourrie des éléments
savoureux du patois de Tabriz, que l'on parlait dans son village natal
d'Andalyb. Elle s'était enrichie, avait mûri et s'était
gonflée de force durant les mois et les années de sa vie à
Gandja, à Gédabey, à Bakou et à Gazan.
Son travail dans les rédactions des journaux «Le Communiste» et «Le jeune employé» joua un rôle important dans la
purification et le polissage des syllabes, dans la production et
l'élaboration du style littéraire. La langue des belles lettres,
des travaux scientifiques et les paroles poétiques « mûrirent » et
s'enrichirent au cours de ces étapes. Ce n'est pas un hasard si, dans
les livres du remarquable écrivain Mouhtar Husseynzadé, qui
dirigeait le département de linguistique azerbaïdjanaise durant les
années 60-70, département aussi grand que celui de Mir Djalal
muallim, la plupart des exemples et des modèles de prose
littéraire de l'époque soviétique sont tirés des
récits, nouvelles et romans de Mir Djalal.
Mouhtar muallim cite une grande quantité
d'exemples de ces œuvres lors de ses conférences. La langue de la
période des livres de Mir Djalal muallim est non seulement la
réalité comprenant l'esprit et la mémoire du peuple, le
coloris, le charme, l'énergie et la capacité de la langue
maternelle, elle est aussi le facteur social irremplaçable, elle porte
en elle le sens et l'esprit publics. Grâce
à ces qualités, bien après la parution du dernier ouvrage
de l'écrivain, les œuvres de Mir Djalal muallim sont, à de
nombreuses reprises, citées dans la monographie de M.Terril intitulée
«La langue d'Œdipe dans la littérature
azerbaïdjanaise», récemment parue aux États-Unis. On y
donne des informations sur sa création littéraire et sur ses
travaux.
La langue de
Mir Djalal, nourrie et inspirée des parlers du peuple, atteignit le
sommet de la langue d'Œdipe, et à son sommet, elle garda en elle
ses origines, son nom original et sa base nationale radicale.
En un mot, la richesse de la langue de Mir
Djalal muallim est la conséquence du talent de l'écrivain, mais
aussi des souffrances des expériences pénibles de sa vie, et,
à mon avis, de son travail dans son ensemble : c'est l'étape
suivante de l'école Mirza Djalil.
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❦ ❦
Je me souviens de l'opinion exacte de
l'académicien Kamal Talybzadé concernant les travaux scientifiques
de Mir Djalal: «C'est de la littérature qu'il est venu à la science...
Pour cette raison, les œuvres du savant n'offrent aucune prise à
l'argumentation et à des conclusions non scientifiques».
Et c'est vrai. Il est vrai aussi que Mir Djalal
muallim était venu à la science non pour obtenir des titres et
des grades, non pour devenir académicien (étant l'auteur
d'études précieuses et ayant acquis une autorité certaine
dans la science, il n'entreprit jamais aucune démarche pour faire partie
des membres de l'Académie) ; tout au long de sa carrière, il
s'engagea dans l'étude systématique des différentes
périodes de la littérature azerbaïdjanaise – de M. F.
Akhoundov, F. Keutcharly jusqu'aux années 30, ainsi que dans
l'étude de la créativité, des œuvres de ces coryphées,
pour porter leur héritage jusqu'au peuple et élever l'étude
de la littérature et de la critique littéraire au niveau
scientifique.
Écrivain éminent, grand maître,
savant, chercheur de talent, Mir Djalal muallim était cependant un
professeur exigeant et empli de soins attentifs. Il menait une activité
littéraire et pédagogique variée, dirigeait le travail
d'une série d'études sur différentes périodes de
notre littérature, afin de l'intégrer dans les recherches
scientifiques fondamentales et dans le processus d'enseignement de ces branches
de la connaissance.
Sa thèse de candidat ès science,
publiée plus tard sous forme de la monographie intitulée «Les particularités poétiques
de Fizouli», consacrée à l'un des plus grands poètes
du XVIe siècle, servait de livre
de chevet aux hommes de lettres, aux chercheurs et aux étudiants de ma
génération. Ce travail fut hautement apprécié de
l'opinion scientifique. Sa thèse de doctorat, répondant au titre «Les écoles littéraires en
Azerbaïdjan (1905-1977)» a été rééditée
plus d'une fois. Les ouvrages cités jusqu'à présent
gardent encore leur actualité et leur importance. Les monographies du
savant, « Sur le réalisme de Djalil Mammadgoulouzadé » (1966)
, « Le rire comme arme de l'art »
(1968), « Les Classiques et les Contemporains » (1973), contribuèrent
solidement à l'histoire de notre littérature et de notre critique
littéraire. Il est impossible de ne pas citer les trois volumes de «
L'histoire de la littérature azerbaïdjanaise », issus de sa
collaboration active, ni de ne pas nous souvenir de ses réalisations
dans le développement de plusieurs autres volumes, de ses recherches sur
les différentes périodes et œuvres des représentants
de la littérature azerbaïdjanaise des XIXe et XXe siècles
(en particulier de D. Mammadgoulouzadé, N. Narimanov, A.Hagverdyev, et d'autres
encore), ainsi que de plusieurs autres ouvrages. Étonnant est un tel
éventail, une si large gamme d'activités scientifiques et
pédagogiques, à côté d'un patrimoine artistique plus
que précieux, d'un héritage artistique inestimable.
Mir Djalal muallim, auteur de grandes œuvres
volumineuses était habile dans l'art d'être lapidaire et exact,
adroit dans l'énonciation, et souvent une seule phrase pouvait
résumer l'esprit d'un article ou d'un livre tout entier. Je me souviens
notamment de ses paroles: «Samed
Vourgoun n'a pas gâché de papier dans sa jeunesse». Lorsque
j'étais étudiant je connaissais par cœur presque tous les
poèmes de jeunesse Samed Vourgoun et ceux de son adolescence (je m'en
souviens encore aujourd'hui). Certainement,
du point de vue de la théorie scientifique, des critères de
valeur artistique, l'on peut trouver des défauts dans ses premiers
poèmes, mais j'aime ces poésies en premier lieu pour la
sincérité de leurs sentiments, et en tant que marque
incontestable du talent. Cette originalité naturelle
conduisit le poète
au sommet de
l'art à l'époque du «Poème du Komsomol», aux
chef-d'œuvres de la
poésie avec ses «Azerbaïdjan» et «Je
ne suis pas pressé...». L'opinion de Mir Djalal muallim, à
propos du jeune Samed Vourgoun est conforme à son crédo
créateur personnel et à sa relation aux paroles des
écrivains. Mais Mir Djalal muallim non plus « n'avait pas
gâché de papier dans sa jeunesse». Ou telle cette autre opinion de
l'auteur sur Samed Vourgoun: «Samed Vourgoun a fait entrer l'Azerbaïdjan
dans la poésie...» Une vérité orgueilleuse, mais une pure
vérité de notre Histoire, une appréciation laconique et
une évaluation juste de l'esprit national de notre grand poète et
de ses services exceptionnels rendus à notre culture!
Le laborieux et illustre chemin historique parcouru
par l'Azerbaïdjan et par notre peuple, sa vie nationale et culturelle,
morale et spirituelle se reflètent dans nos pensées artistiques
et dans notre poésie exceptionnelle, commençant par l'épopée
de «Dada Gorgoude» pour se poursuivre jusqu'aujourd'hui. Dans la poésie
de Vourgoun, l'Azerbaïdjan trouve son incarnation totale dans toute sa
dimension historique et géographique et avec toutes ses teintes
naturelles. La plus grande incarnation
poétique de l'Azerbaïdjan, l'image lumineuse de notre Patrie, sont
chantées non seulement dans «Qui
pourrait écarter l'âme du corps ?..» que tous, petits et
grands, connaissent par cœur,
mais aussi dans
d'autres poèmes du
poète, tels «Farhad
et Chirine», «La légende de Bakou», «Les
livres brûlés» et dans beaucoup d'autres. Dans toutes les carrières,
littéraires et scientifiques que Mir Djalal muallim a embrassées,
dans tous les espaces sacrés de la Patrie, Mir Djalal muallim, lui
aussi, a fait entrer l'Azerbaïdjan dans la prose, avec sa mémoire
historique, géographique, avec ses régions et ses villages : il a
étudié l'histoire séculaire de l'Azerbaïdjan. Pour
cette raison, il disait avec orgueil que Samed Vourgoun avait fait entrer
l'Azerbaïdjan dans la poésie!
… Mir Djalal muallim racontait que «Le livre de ma Mère» est «un livre de la Vérité». Il
écrivait: «Le livre de ma
Mère», c'est «le livre de la
Patrie». Ce n'étaient pas de simples paroles: il avait soutenu cette
idée, ce haut sentiment de la vérité, dans ses recherches
scientifiques et dans ses activités pédagogiques, ce qui
était pour lui le vrai principe de la Vérité.
❦
❦ ❦
Dans les intéressants et volumineux essais de
Nariman Hassanzadé «Le chef-
d'œuvre et le héros principal de Mir Djalal» qui
représentent le meilleur du genre épistolaire adressé
à l'éminent physicien et académicien Arif Pachayev, nous
trouvons un épisode autobiographique :
«- Qu'est-ce
que tu recherches? me demanda-t-il avec un soin paternel.
– Je cherche du travail, Mir Djalal muallim,
répondis-je comme un fils.
– Ne cherche
pas de travail, cherche quelqu'un. Ce quelqu'un, voilà, c'est moi...
Viens à l'Université et entre dans l'aspiranture.
Et j'y
allai».
Lorsque Nariman Hassanzadé se présenta
la première fois devant l'éminent savant, il n'avait pas encore
enlevé sa capote de soldat. Mir Djalal muallim tenait par la main le
jeune poète qui avait besoin de soins. Cette rencontre eut lieu en 1961.
Il arrivait directement de l'Institut des Belles Lettres M.Gorky qu'il venait de
terminer. L'éminent écrivain, scientifique et chef du
département l'avait reçu avec un véritable soin paternel
et l'avait admis dans l'aspiranture (tous les intéressés
n'avaient pas cette chance-là, en ce temps-là), signalant le
début d'une nouvelle ère dans la vie du jeune poète talentueux,
non seulement en tant que savant, mais aussi en tant que poète.
C'était un beau départ pour sa carrière littéraire:
il devint boursier de thèse, reçut un logement, commença
sa carrière pédagogique d'enseignant, occupa des postes
d'importance dans la presse, devint rédacteur en chef d'un journal
célèbre et s'engagea comme vice-ministre. Le principal est
pourtant qu'il a pu créer des œuvres fondamentales. Certes,
à cette époque, à Bakou, la recherche de travail était
conditionnée par la
«recherche de la
personne», et chaque
«personne» dont tu franchissais le seuil ne pouvait
être Mir Djalal ! «Ne cherche pas de travail, cherche quelqu'un» – telle
était la réalité ironique, en même temps
amère, de cette époque !
Bien que nombre d'écrivains eussent fait tout
leur possible pour entrer dans le Comité Central, ne fût-ce que
pour l'honneur de franchir le seuil des audiences de l'état-major
général, l'instance dirigeante de la République, en réalité,
Mir Djalal muallim ne voulut jamais y aller. Il disait : «Je suis heureux de
n'avoir jamais affaire à «Baksoviet».
Ceux qui connaissaient de près
Mir Djalal muallim savaient bien que ce n'était
pas seulement une réplique, mais le résultat d'observations personnelles.
Tahsin Moutallibov se rappelle: «Nous passions devant
«Baksoviet». Mir Djalal muallim s'arrêta. «Tu n'y es jamais
entré?» Je demandai: «Mais pourquoi?» Mir Djalal muallim était
surpris: «Comment cela, pourquoi? Mais c'est là que l'on peut recevoir
un logement! D'où tiendraient-ils, les gens de «Baksoviet», que tu n'as
pas d'appartement ? Entres-y, ouvre la porte du président et dis-lui : «
Frère, voilà : je suis professeur de cette Université dans
le voisinage et, justement, je n'ai pas d'appartement. » Et tu vas voir si dans
trois jours, on ne te présente pas un bon appartement ou non». Je
répondis: «Mir Djalal muallim, et qui va me laisser entrer chez le
directeur? Déjà, pendant des journées entières les
gens se languissent d'attente devant cette porte, de bon matin. Et moi? Est-ce
que j'ai la patience de perdre mon temps dans les queues! Je me suis inscrit
à l'Université pour recevoir un logement. Quand viendra mon tour,
alors j'en recevrai un». Mir Djalal muallim secoua la tête: «Et bien! Si
tu es si persévérant, attends ton tour».
Le fait est que Mir Djalal muallim était
convaincu que les intellectuels et les enseignants devaient être
traités avec un respect particulier. Selon lui, il importait de faire
preuve d'un soin spécial vis-à-vis des universitaires et de leur
offrir les meilleurs appartements.
Ces
épisodes sont l'illustration du
soin et de
l'attention du grand
Savant et de l'Enseignant envers les jeunes chercheurs
et savants, mais aussi envers le système bureaucratique qui existait
à l'époque.
Il traitait les jeunes de son département comme
ses propres enfants et ces relations «père-fils» provoquaient
quelques jalousies dans certains
milieux. Cependant, les «enfants» aimaient de plus en plus leur «père».
Quand ils poussaient la porte paternelle, Pusta Khanoum[7] dressait
la meilleure table et faisait de son mieux pour les servir. Mûr
d'âge, Nariman Hassanzadé dit qu'il est le fils de Pusta Khanoum.
Tahsin Mutallibov ne peut oublier le goût exquis de sa cuisine, surtout
le goût de la confiture de figue.
Les « enfants » suivaient l'exemple de leur «
père », non seulement dans les activités du
département, mais aussi
chez lui. Ils
adoraient le Père
debout sur son
palier, observant attentivement,
l'île Narguine avec une lunette. En ce temps, il était interdit
d'observer cette île car là ce trouvait la prison où l'on
enfermait les criminels les plus dangereux (Dieu seul sait lesquels parmi eux
ont commis le crime le plus dangereux !)
L'humour, l'ironie et même le sarcasme dans la
prose de Mir Djalal muallim découlent de la vie, incitent à la
réflexion, mais, en réalité, durant ces
années-là, il était des vertus pleines d'humour et de
sarcasme que même des écrivains courageux et dévoués
comme Mir Djalal muallim ne pouvaient pas reproduire en paroles : ces
œuvres n'auraient pas été imprimées. Pour cette
raison, les vérités « déloyales » n'étaient exprimées par
le savant que
de manière humoristique
et sarcastique confidentiellement – dans les salles d'étude, le département,
les milieux amicaux, en terre connue. Ses paroles couraient comme des
aphorismes. Une réplique est pourtant restée gravée dans
ma mémoire jusqu'à présent: «Les gens d'aujourd'hui lisent
même l'acte de salutation «Soyez les bienvenus...» C'est la pure vérité de
l'époque de Khrouchtchev et de Brejnev. Lorsque l'on accueillait les
chefs, les dirigeants de pays étrangers, ou
d'autres
personnalités
officielles, la personne qui les
rencontrait, juste au pied de l'escalier lisait le texte préparé
à l'avance, conformément au procès-verbal de l'Union
Soviétique : «Monsieur un tel… (Lis: ou «Camarade un tel», soit l'un,
soit l'autre – H.), soyez le bienvenu...» Pendant les réceptions
officielles, pour porter un toast, on lisait ce texte: «À la santé
de notre camarade respecté…, de notre ami (ou de notre frère)
respecté…, à la santé du pays…!» Mir Djalal muallim n'avait qu'à
prononcer une seule phrase et tout le monde éclatait de rire, et ses
paroles sages se gravaient dans les mémoires, vivaient dans les
âmes, comme aujourd'hui en moi.
Sur une des plus hautes buttes de Bakou, sur les
tombeaux dans lesquels dormaient nos martyrs fusillés en 1918, s'élevait
une énorme statue de S.Kirov, visible de tous les coins de Bakou. Je ne
suis pas certain que quiconque ayant la conscience nationale, une morale, de
l'amour-propre pût regarder avec respect cette statue, statue de l'un des
assassins de la nouvelle occupation, celle d'avril 1920. Quant aux
véritables intellectuels, ils éprouvaient de la haine envers cette
statue, sans que personne n'osât en parler.
L'académicien Arif Pachayev me
répéta une phrase importante de Mir Djalal muallim concernant
cette statue : «On demanda, en cachette, à Mir Djalal muallim:
– Si l'on
détruisait cette statue, la statue de qui pourrait la remplacer? La
réponse de Mir Djalal muallim fut courte et laconique.
– De celui qui
la détruirait!»
(Comme on aurait voulu voir la personne qui pût
la détruire!»
Le courage extraordinaire de Mir Djalal muallim se
reflète à la perfection et avec une grande habileté dans
sa prose. Dans le récit «À propos du bonheur», écrit en
1964, année où bouillait la censure soviétique, l'auteur
parle du bonheur, discutant le sujet: «Qu'est-ce que le bonheur?» Chacun le
traite à sa manière. L'un dit: c'est l'argent; l'autre dit: c'est
une belle femme. Un professeur aux cheveux blancs qui aimait se taire et
écouter les autres, tel Mir Djalal muallim, dit: «Le bonheur c'est quand
les gens peuvent dire toujours et partout ce qu'ils pensent sans avoir peur des
autres. À mon avis, si tous les pays, tous les peuples, tous les
États, tous les chefs d'État fournissent cette grande richesse
à leurs citoyens, il n'y aura plus d'oppression, ni de chagrin, ni de
tristesse dans le monde entier, la justice s'établira, le monde
s'éclaircira et se transformera en paradis. Les gens se sentiront
légers, seront soulagés. Ils embelliront, se transformeront en
anges. Tant que cela nous manquera, nous ne pourrons pas atteindre une culture
parfaite, une évolution véritable, une véritable
liberté humaine. Il n'y aura que des cancers dans les cerveaux, des
plaies dans les âmes, de la tuberculose dans les poumons, de la
fumée et de la poussière dans les pensées, de la
colère et de la méchanceté dans les cœurs».
Mir Djalal muallim pouvait faire face aux
«bureaucrates», à des hauts fonctionnaires soviétiques et du
Parti, soi-disant de la culture, de la littérature et de la science au
gré de la justice, pour défendre et conserver la manière
de penser nationale.
Une autre sage
parole du Savant, devenue proverbe
aujourd'hui, est une invitation humoristique: «Allons! Je te
régale avec la réunion!» La période de Khrouchtchev
était l'époque des réunions, réunions qui duraient
« du matin au soir et du soir au matin», réunions qui duraient à
n'en plus finir! Les journalistes demeuraient dans les maisons
d'édition. Les communications insensées de Khrouchtchev ne
touchaient pas à leur fin. Le Congrès du Parti Communiste dura
presque quarante ans. Pendant dix jours, le Palais des Congrès du Kremlin
avait été comble, plein comme un œuf. L'ensemble du pays,
semble-t-il, s'était réuni à l'assemblée. Les
intervenants se succédaient patiemment. Pendant dix jours, tous les
regards de l'Empire gigantesque étaient rivés au Congrès,
et ensuite, d'année en année, jusqu'au nouveau Congrès,
les discussions commençaient dans certains lieux, des
déclarations retentissaient, on adoptait les résolutions des
travailleurs.
Mais Mir Djalal
muallim ne prononçait qu'une
seule phrase, la
même devenue proverbe: «Allons
! Je te régale avec la réunion!»
Maintenant, je voudrais me souvenir d'un récit
de l'Écrivain qu'il avait appelé « Sec de réunions, paru
en 1954, moment où la fièvre des réunions battait son
plein, récit très intéressant par sa forme et son contenu.
Je suis d'avis que ce que je vais raconter à propos de ce récit
ne pourra pas mieux le présenter, mieux le caractériser. J'attire
tout simplement votre attention sur deux petits chapitres de ce récit:
«Il existe
des fruits secs, secs comme les figues séchées, les abricots
séchés, des cornes séchées – il en existe beaucoup
mais des Secs de réunion, cela existe rarement.
Il y a les
fruits secs que l'on a séchés au soleil, mais il y a aussi les
Secs séchés, dépités, consumés, amaigris et
qui ont perdu tout sentiment de la vie dans les réunions.
Vous le
connaissez, ce Sec de réunions. Même si vous ne le connaissez pas
par son prénom, vous le connaissez par sa physionomie: il vous est
très familier. Vous avez souvent remarqué dans la rue, à
l'entrée des établissements ou dans des escaliers, un homme au
pas pressé courbant son maigre corps en avant.[8]
Où se
précipite-t-il ? À la réunion!
Le
porte-feuille gris, usé, qu'il tient sous le bras est plein de papiers,
de brouillons mal rangés.
Qu'est-ce que
cela? Des procès-verbaux!
Pendant toute
sa vie, il marche ainsi, la tête baissée, indifférent
à ce qui se passe autour de lui, sans informations, sombre, broyant du
noir, lugubre comme le ciel, pensif, accablé d'idées.
À quoi
pense-t-il ? À la décision de la réunion!
Pour Sec
de réunions, rien
n'a d'importance, nuit
ou jour, printemps
ou automne, chaleur ou froid,
Terre ou Ciel. En voyant cette personne morose, détachée du
gazouillis des ruisseaux, du parfum des fleurs, du chant des oiseaux, de la
musique, des sourires, des rires, de la gaieté, certains sont
épatés, surpris, d'autres ne le supportent pas et le
détestent.
Ne pensez pas
qu'il agit ainsi seulement dans les lieux publics. Vous croyez peut-être
qu'en rentrant chez lui après les réunions, en retirant son
chapeau et voyant sa femme et ses enfants, sa physionomie change, l'expression
de son visage change, et que son visage s'éclaircit et que l'on voit un
sourire sur ses lèvres.
Non ! Vous
vous trompez ! C'est une personne inébranlable, un homme de pierre, un
homme à cheval sur ses principes, d'une nature de fer, qui sacrifie
tout. Il est persuadé que nous sommes à jamais
créés pour les réunions, que nous avons une tête
pour préparer des décisions, des doigts pour écrire des
procès-verbaux, des mains pour applaudir et que Dieu nous a fait le don
de la voix pour faire des discours et des communications pendant les
réunions ! À son avis, tout l'Univers à été
créé suite à une réunion importante et est
basé sur une résolution adoptée et cachetée au ciel.
Vous ne me croyez pas? Levez la tête et regardez au ciel. Voyez les
millions d'étoiles qui se sont rassemblées autour de la Lune
présidant à la réunion ! Depuis des milliers
d'années déjà, il y a des réunions ardentes,
chaleureuses, au ciel et, de temps à autre, on en entend le grondement
qui perce les oreilles sur Terre.
Voici la
manière que le Sec de réunions a de s'adresser à sa femme:
– Camarade
Meyransa, il y
a la proposition
que vous laviez
et séchiez mes chaussettes!
Dans le cas
où Meyransa se tait, il se lève de son bureau et frappe sur la
table du boutémoussé de son crayon.
– La parole est à la camarade Meyransa
pour la réponse!»
… Sa femme
accouche d'une fille, il l'appelle: Conférence!
«Conférence
grandit, plusieurs demandent sa main. Alors, Sec de réunions exige une
enquête, un questionnaire. En entendant le mot « enquête », les
marieurs, les faiseurs de mariages s'en retournent et s'en vont.
Un jeune
homme nommé Asguer, qui aimait de bon cœur Conférence,
trouva la solution au problème».
Dernières lignes du récit:
«Ce
soir-là, Sec de réunion était assis à ranger les
procès-verbaux. Meyransa était en train de mettre ses habits
neufs. En levant la tête, le mari remarqua sa femme, se parant avec
hâte, en grande joie, en gaieté.
– Où est-ce que tu vas, Femme? Lui
demanda-t-il, surpris.
– Éh ! Nous avons une petite
réunion!
– Et où est Conférence?
– Elle est aussi allée à sa
réunion à elle et t'a envoyé un message.
Meyransa sortit un bout de papier de sous le
livre sur la table et dit :
– Il paraît que les enfants ont
déjà adopté une certaine résolution. Lis et voyons
comment tu la trouves.
– «Père, nous avons discuté
longuement et nous avons pensé et repensé. Enfin, ne voulant pas
vous faire de la peine, nous sommes allés au bureau de l'état
civil. Demain, c'est notre mariage. Il aura lieu chez le fiancé. Si vous
avez le temps après la réunion, vous pouvez nous faire l'honneur
de venir. Conférence».
❦
❦ ❦
Sec de
réunions devint plus sec encore. Il se dressa net:
– Comment ? Comment ? Ils ont adopté la
décision, comme ça, sans la discuter... Qui a confirmé
cette décision ?
Meyransa,
conservant sa maîtrise et son indulgence répondit :
– Mais il faut que tu la confirmes, toi ! Sec
de réunions se mit en fureur:
– Mais je n'ai pas lu son enquête, je
n'ai pas révisé ses papiers. Comment est-ce que je peux confirmer
une décision pareille ? Quel manque de discipline !...
Et Meyransa
reprit, mettant ses pieds dans les
souliers:
Tu vas la confirmer ou non, c'est ton affaire
à toi. Moi, je serai à la noce chez Asguer. Prends soin de la
maison. Ne laisse pas les portes ouvertes ! dit Meyransa et sortit en claquant
la porte.
La maison
tourna comme une meule devant les yeux de Sec de réunions».
❦
❦ ❦
Mir Djalal muallim avait toujours eu de la sympathie
pour les personnes plus âgées que lui, il était sensible et
attentif envers les gens de son âge, il était aussi bien
disposé envers la jeune génération. Il prenait le
même soin de notre littérature, de notre science et de notre
éducation. Il était toujours parmi les étudiants et les
boursiers de thèses. Pour cette raison, toute la jeunesse l'aimait et
l'estimait. Je me rappelle d'un autre épisode: «En mai 1965, à la
veille du vingtième anniversaire
de la victoire,
dans une étroite ruelle
entre «Baksoviet» et
l'Université de cette époque, une quarantaine ou une
cinquantaine d'étudiants (la plupart était des jeunes filles)
avait abordé Mir Djalal muallim, tenant à la main les journaux
qu'ils montraient à l'écrivain qui les examinait, ils lisaient
quelque chose à haute voix, il semblait qu'ils l'interrogeaient sur
quelque chose avec animation, avec un sourire radieux sur leurs visages.
Là, il y avait des étudiants que je connaissais de près.
L'un d'eux s'approcha de moi: «Nous y étions pour attendre Mir Djalal
muallim, car nous connaissions l'heure de son arrivée à
l'Université. Nous voulions lui montrer les journaux et l'interroger!..»
«Et pourquoi ici et pas dans la cour de l'Université?» lui demandai-je.
«Mais
parce que la
cour de l'Université est
trop animée :
il y a
toujours une grande foule, impossible d'entendre quelque chose »
me répondit-il».
Chaque
étudiant de
l'Université voulait parler avec ce grand et éminent Savant, et obtenir la
possibilité de l'écouter.
En mars 1968, j'avais pris congé pour
préparer ma thèse d'études universitaires, on
célébrait l'anniversaire de Mir Djalal muallim. Dans toute
l'Université, à la faculté de lettres, surtout dans le
département bondé de littérature azerbaïdjanaise,
régnait une atmosphère de fête. Mammad Arif, Mammad
Djafar, Bahtyar Vahabzadé,
Bakir Nabyev, Goulou
Halilov, Issa Husseynov
et plusieurs autres hommes de talents et de science publiaient des
articles sur l’anniversaire de Mir Djalal muallim.
À
la veille de
l'anniversaire, moi aussi,
j'eus quelques rencontres
avec Mir Djalal muallim en tant qu'étudiant.
Ces rencontres sont à jamais gravées dans ma mémoire, dans
mon âme. Je suis reconnaissant à Bahtyar Vahabzadé pour ces
rencontres. Ce poète – professeur qui s'occupait en même temps de
sa carrière pédagogique et poétique, ne voulant pas se
détacher de cette dernière – demanda à Mir Djalal muallim
de le charger de quelques étudiants «brillants»,[9] en
thèse de diplôme d'études supérieures universitaires
pour le remplacer dans l'enseignement. Et mon nom figurait parmi ces étudiants. C'est pourquoi,
ayant affirmé le sujet de ma
thèse scientifique de
littérature classique (que j'aimais beaucoup!), on décida de le
remplacer par un sujet de littérature moderne. Mais quel serait le
nouveau sujet? C'était au chef de département de décider.
Quand je rentrai dans la chaire, Mir Djalal muallim se
tenait debout. En me voyant, il devina immédiatement la raison de ma
visite, réfléchit un moment, et, comme à son habitude, se
mit à marcher dans la pièce. Cette pause dura deux ou trois
minutes. Enfin, il me demanda:
– Depuis
l'année dernière paraît la revue «Oldouz». Tu la lis?
– Bien
sûr !
– Oh oui, tu
es poète, se rappela-t-il. Peut-être vas-tu écrire sur les
poésies parues dans cette revue, par exemple, celles qui sont parues
dans les numéros de 1967.
– Je peux
écrire, Mir Djalal muallim!
Après avoir abandonné mon sujet «
classique » préféré, le sujet sur la poésie de la
revue «Oldouz» me paraissait intéressant.
C'était un sujet non étudié, sur
lequel on n'avait pas fait de recherches, et qui n'était pas devenu
l'objet d'une recherche scientifique approfondie.
Le choix de Mir Djalal muallim était un autre
témoin de son intérêt pour la littérature
moderne, alors apparu depuis
peu, et pour les jeunes chercheurs. Car la grande
majorité des publications de la revue «Oldouz» étaient de la
plume de jeunes auteurs!
Mon travail de diplôme fut prêt. Mon
directeur de thèse me donna un avis favorable, ne corrigeant, à
un certain moment, qu'une seule chose – il
effaça, sur la page du titre, son titre honorifique «docteur ès lettres, professeur titulaire».
Je m'étonnai. «Je suis
poète», me dit-il. «À
côté d'un grand Savant comme Mir Djalal muallim, ce n'est pas bien
de me présenter comme «docteur ès lettres, professeur titulaire»
Il ajouta: «C'est un écrivain brillant, en même temps qu'un savant
éminent, un grand érudit».
Pendant ma soutenance
de diplôme, Mir
Djalal muallim, qui
parlait en de
rares occasions, émit une opinion flatteuse au sujet de ma
thèse. La commission du jury de soutenance recommanda d'imprimer ma
thèse dans les «Recueils
scientifiques» de l'Université, et, moi, je fus recommandé
pour l'aspiranture (mon destin m'appela dans d'autres voies).
Nous nous vîmes deux ou trois fois après
cela. Mir Djalal muallim me conseilla de choisir un thème pour la
thèse scientifique et de le soutenir. Même Bahtyar
Vahabzadé, venu assister à la représentation de
Deuxième voix au Théâtre Dramatique Azerbaïdjanais
d'État de Irévan, me rappela cette idée de Mir Djalal
muallim: «Nous pouvons adopter et accepter le sujet choisi, soit dans la chaire
de Mir Djalal muallim, soit dans ma chaire (Bahtyar Vahabzadé
était alors chef du département de littérature
azerbaïdjanaise) et tu travailleras sur ce sujet». À la veille de
son arrivée à
Irévan, Bahtyar Vahabzadé avait vu Mir Djalal muallim pour
lui faire ses adieux. Et Mir Djalal muallim, m'envoyant ses salutations, lui
avait demandé de me rappeler ses conseils.
Je n'avais jamais éprouvé un grand
intérêt pour écrire et soutenir une thèse
scientifique. Si j'avais eu pareil désir, j'aurais eu la
possibilité et la chance de mieux connaître Mir Djalal muallim, de
me trouver en contact direct avec ce grand Savant.
Pourquoi me suis-je rappelé cet épisode
? À cette époque, pour devenir candidat à
l'agrégation, et ensuite obtenir un titre scientifique, beaucoup
s'adressaient à Mir Djalal muallim, et, tout naturellement, la plupart
des demandeurs recevaient une réponse négative et leur vœu
ne se réalisait pas. Mais Mir Djalal muallim n'oubliait pas le jeune
spécialiste qui habitait loin de Bakou et lui proposait aide et soutien.
Une personne calme en apparence, bonne, débonnaire, un homme de
principe, convaincu, persuadé, consciencieux, de
bonne foi, décidé, résolu, d'un
caractère audacieux! – tel était Mir Djalal muallim!
Ce n'est pas par hasard que Samed Vourgoun lui disait:
«Tu es une personne slichkom poriadotchny»; ce qui voulait dire: «Toi tu es un
homme assez honnête, assez brave».
Mir Djalal muallim disait «Un tel est modeste, assez
bien, honnête». L'honnêteté, la modestie étaient les
plus hautes qualités morales pour Mir Djalal muallim.
Ainsi vont des
passages de «Devoir moral. Souvenirs
de Mir Djalal de Khalid
Alimirzayev:
«… Je me rappelle: une fois, un de nos aspirant entra
dans la chaire, le dos courbé, en minaudant d'une manière
féminine. Mir Djalal muallim ne le salua pas, et lui demanda d'un air
moqueur:
– Monsieur un
tel, tu es venu passer tes examens?
– Non,
monsieur le Professeur, j'ai déjà passé mes examens il y a
longtemps. Je prépare déjà ma soutenance, répondit
l'assistant.
– Et pourquoi
es-tu entré en te penchant? Tu as mal au dos?…
Il y eut un
court silence. Voyant l'aspirant se
perdre après la question
concrète et
pénétrante de Mir Djalal muallim, le vieux professeur de la
chaire, Kamil Mirbaguirov (homme honnête, toujours juste et bon)
intervint:
– Mir Djalal
muallim, n'insistez pas: la maladie de ce bonhomme, ce n'est pas une maladie du
dos, c'est celle d'occuper une place, un poste dans la chaire. C'est sa
manière de vous aborder.
À ces mots, Mir Djalal muallim se fâcha,
et mit le jeune homme à la porte.
–
Frère, va chercher
du travail ailleurs.
Ce n'est pas
ta place ici.
Tu t'es trompé d'adresse.
Quand l'aspirant, confus, eut quitté la salle,
Mir Djalal muallim s'adressa aux members de la chaire:
– Voyez ces
gens-là, ils gâtent la société. Ils sont prêts
à tout dans leur intérêt. Il leur manque de la
personnalité, de l'honnêteté. Tu les fais sortir par la
porte, ils rentrent par la fenêtre. Des pas grand-chose! Il faut
protéger le système éducatif de ces types-là!
Qu'ils aillent chercher du boulot ailleurs. L'enseignement, l'éducation
est une question sacrée. Trahir l'éducation, c'est nuire à
la nation.
Ces paroles de Mir Djalal muallim sont une bonne
leçon pour nous, pour tous et pour toujours!
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❦ ❦
Je reviens à 1968, alors que je faisais mes
adieux à l'Université.
En automne de cette année-là, on accorda
à Mir Djalal muallim la récompense de Komsomol de la
République pour son roman «Manifeste
du jeune homme», resté dans ma mémoire comme un
événement sans précédent: c'était la
première fois que, pour son roman, édité en 1940, l'auteur
était récompensé du prix Komsomol, 28 ans après sa
parution, à son soixantième anniversaire.
Plus frappant et plus intéressant est un autre
épisode rapporté dans les mémoires de l'écrivain
Issa Husseynov, «Pourquoi vous
aime-t-on?»: «En Arménie,[10] il y
avait un ancien village nommé Dérétchitchék.
Là vivait un achoug[11] appelé Achoug Aly. Il avait
joué au mariage de mon grand-père décédé en
1934 à l'âge de 80 ans. Ensuite, il avait joué au mariage
de mon père. Un beau jour, les routes conduisirent Achoug Aly à
Gazakh et... il joua à mon mariage. La voix, le saz et les
récits poétiques de
cet homme de
près d'un siècle, dont
personne ne savait
au juste l'âge, charmaient, ensorcelaient, comme
toujours les auditeurs. Où en était le secret ? Les uns disaient
que c'était grâce à l'air frais, le grand air du village de
Dérétchitchék, les autres supposaient que c'étaient
les sources naturelles, les eaux limpides de ce village. Mais il n'est venu
à l'idée de personne de dire
: le mystère de
l'Achoug, c'est la BEAUTÉ ET LE
CHARME DE SON
ÂME, DE SA
MORALE!
Quand nous nous rencontrons, vous me rappelez Achoug
Aly».
La beauté de l'esprit, de l'âme, la
beauté spirituelle et morale de Mir Djalal muallim est toujours avec
nous, aujourd'hui aussi!
❦ ❦ ❦
Au printemps dernier, je devais assister à une
pièce de théâtre basée sur les motifs de «L'homme ressuscité» au
Théâtre Dramatique Académique National (dont le metteur en
scène était le maître émérite des arts Oroudj
Izzatoglu), mais, chaque fois, quelque chose me retenait. J'avais promis au directeur
du théâtre que je viendrais sans faute voir le spectacle le 26
avril. À la fin de la journée, alors que je sortais pour aller au
théâtre, je jetai un coup d'oeil au calendrier de chevet. Je
remarquai la photo de Mir Djalal muallim. Au-dessus était écrit :
«Naissance de l'écrivain, homme de lettres Mir Djalal (1908-1978)». Et
c'était un cadeau, un signe du destin : c'était le
quatre-vingt-dix-huitième anniversaire de Mir Djalal muallim et j'allais
au spectacle comme si j'allais à son anniversaire, à sa
fête.
«L'homme
ressuscit é» fut
écrit et publié en 1935 (alors que l'auteur avait 28 ans!). Ce
roman, paru après les essais «Sur
les chemins raisonnables» (1932) et «Les
nouvelles et les essais» (1935), fut un véritable
événement dans la vie littéraire d'Azerbaïdjan et un
véritable manifeste de la prose de Mir Djalal. Les années qui
suivirent, l'édition du roman «L'homme
ressuscité» devint tabou, et, enfin, en 1978, le roman ressuscita.
Les personnages de ses œuvres sortent du peuple,
ce sont des images des gens d'Azerbaïdjan d'avant la Révolution
Socialiste d'Octobre, il y a presque cent ans. Je ne m'attendais absolument pas
à avoir la sensation de connaître la plupart d'entre eux. Le plus
intéressant et source, pour moi, de ravissement, est la maîtrise
et l'art de l'écriture du jeune auteur, son habileté à
créer diverses gammes vivantes en chair et en os, sa langue savoureuse.
La mise en scène de «L'homme ressuscité», est une action épique
monumentale nous rappelant un peu les modèles épopées
historiques littéraires. Les personnages joués sur scène
par les artistes du Peuple
Nouraddin Mehdikhanly (Babirbey),
Hadjy Issmaïlov (Machady
Islam), Ramazan Novrouzov (Aly bey), Elkhan Agahusseynoglou (Guias), par les
artistes émérites Aly Nour (Sarygly mollah), Saïda
Goulyéva (Chapal Souraly), Firouz Khoudaverdyev (Hadjy Husseyn), Hidjran
Nassibova (Qissa khanoum), Métanet Agakichyéva (Madame-Mamzel),
Sévil Goulyéva (Telly), par les acteurs Samir Goulamov (Gadyr),
Aïten Aidynguizy (Goumrou), Asslan Chirine (Geudek), Dilara Nazarova
(Chirine) et d’autres interprètes restent dans la mémoire
populaire avec toute leur originalité et leur individualité. La
musique nationale colorée de l'artiste du Peuple et compositeur Agchine
Alizadé, la mise
en scène réaliste naturelle
de l'artiste émérite Nazime Beykichyev contribuent à la
découverte du contenu idéologique et artistique de la
pièce.
La mise en scène de «L'homme
ressuscité», n'est pas seulement un don pour le public d'aujourd'hui,
mais également un panorama très instructif de la vie
socio-politique de notre ère, de notre histoire ancienne, permettant de
nous mettre au courant de la mentalité, des aspirations, des espoirs et
des idéaux des gens de cette époque.
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❦ ❦
Dans la préface de la dernière
édition de la monographie «Les écoles littéraires en
Azerbaïdjan», la célèbre savante, la grande érudite,
critique littéraire et professeure Narguiz Pachayeva anticipa son
discours avec ces mots: «Permettez-moi
de commencer mon discours non comme une petite-fille, bien que mon cœur
déborde comme celui de la petite-fille – mais comme critique
littéraire, historienne de la littérature...» Le fait est que la
grande érudite, talentueuse, a révélé de
manière professionnelle la dignité, les qualités
précieuses des livres de l'écrivain en commençant son
discours par «bien que mon cœur déborde comme celui de la
petite-fille», un lapsus si agité, si ému, si motivé qu'il
m'a fort intéressé et m'a fait réfléchir,
premièrement, parce qu'à la question «Quel est votre
chef-d'œuvre?», Mir Djalal muallim lui-même avait répondu:
«La plus
grande œuvre que j'ai créée dans ma vie, c'est ma Famille!»
Deuxièmement, j'ai toujours été intéressé
par la biographie des grands hommes, par leur vie familiale, par leur
singularité originale, invisibles dans leurs travaux, dans leurs
activités sociales. J'ai toujours aimé l'ensemble de
l'intégrité et de la personnalité comme un tout, comme un
cœur dans le corps (à mon regret, il arrive parfois qu'il y ait
deux cœurs dans une âme). Et personne ne peut connaître, exactement, l'univers privé
d'autrui, les côtés invisibles ou tout simplement les
côtés visibles de ses activités sociales, de sa vie
créative, mieux que sa famille. Par conséquent, lors d'une
rencontre avec notre Ambassadeur Hafiz Pachayev (aujourd'hui ex-Ambassadeur)
à Washington (en avril 1993), fatigués des thèmes
politiques et diplomatiques, ce fut un grand plaisir pour moi d'écouter
les souvenirs de Mir Djalal muallim de la bouche de son fils. Les fragments et
les épisodes de sa grande vie contés par Hafiz muallim
produisaient sur moi l'impression d'un chapitre ou d'une œuvre toute
entière.
Dès lors, même après 14 ans,
aucune rencontre, à Bakou ou Washington, n'a passé sans que nous
ne nous souvenions de Mir Djalal muallim. Hafiz muallim racontait, à ma
demande, des épisodes plaisants sur lui, à la fois comme fils et
savant. Il s'agissait de différents sujets, et parfois, il introduisait
dans la conversation: «Mir Djalal
muallim disait ainsi», «Mir Djalal muallim faisait ainsi» et cela me
procurait un grand plaisir.
Lors d'une rencontre avec Hafiz Pachayev en 1993, je
lui dis que je voulais écrire sur Mir Djalal muallim, que j'y songeais
justement. Plus tard j'eus aussi l'occasion d'écouter, les récits
du héros principal du «Chef-d'œuvre» -du fils aîné,
l'éminent savant, une personne respectable du peuple Arif Pachayev, je
l'écoutai avec grand intérêt et lui parlai de mon projet.
Malgré cela, je ne me pressais pas d'écrire.
J'écris sur de grandes personnes quand, tout
simplement, je ne peux pas ne pas écrire sur eux. Peut-être ne
suis-je pas prêt maintenant encore à écrire ces notes ?
Mais les années et les jours passant semblent me presser, m'autoriser
à écrire.
Quand j'étais étudiant de
première année, un des camarades de cours d'Hafiz Pachayev me
l'avait montré de loin, de l'autre côté d'une rue, en me
disant: «C'est le fils de Mir Djalal muallim». J'avais eu la curiosté de
demander: «Il est comment?» Je me souviens de sa réponse, mot à
mot: «Sincère, compétent, érudit et intelligent, loin de
l'avidité». Plus tard, ayant connu de près Hafiz muallim, je me
suis persuadé que, véritablement, il l'est, et je n'oublie pas
non plus les mots d'Hafiz muallim: «Nous sommes une famille heureuse. Nous
n'avons jamais manqué de gloire et de richesse. La gloire suit ceux qui
ne la cherchent pas».
Un autre épisode, parlant de la bonté,
de la justice, du caractère désintéressé, de
l'altruisme et de la pureté morale de la famille Pachayev. La fille
aînée de Mir Djalal muallim, Elmira Khanoum, fut directrice d'une
des écoles de musique de Bakou. Comme dans d'autres écoles, dans
la sienne aussi, on ne se passait pas des cadeaux que les parents faisaient aux
enseignants. Certains enseignants suivaient même le sentier menant «des
dons à la corruption, aux pots-de-vin». Et ce fait troubla beaucoup la famille.
Mir Djalal muallim s'adressa au Ministre de la Culture en demandant de
dispenser sa fille de la fonction qu'elle occupait. Celui-ci, une personne
très réservée, ne put cacher sa surprise:
– Mais, Mir Djalal muallim, on ne vient que
chez moi pour demander ce poste...
Mir Djalal
muallim insista, obtint ce qu'il voulait, et toute la famille éprouva un
soulagement.
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❦ ❦
De même que Mir Djalal muallim avait
transformé la chaire universitaire de littérature azerbaïdjanaise en
un gros centre
scientifique et pédagogique, Arif
Pachayev, lui, savant
et physicien connu dans le monde entier, académicien, recteur et
le véritable fondateur de l'Académie Nationale d'Aviation, tout
autant que célèbre organisateur de l'éducation, joua un
rôle irremplaçable dans l'organisation et la professionnalisation
de cet établissement, qui, alors, n'avait pas de tradition suffisante en
Azerbaïdjan. Et Hafiz Pachayev, comme je viens de le mentionner, a
représenté notre pays aux États-Unis pendant de longues
années.
Bien que je n'aie jamais eu l'occasion de rencontrer
le fils cadet de Mir Djalal muallim, Aguil Pachayev, j'ai entendu beaucoup de
bonnes opinions sur lui. Il fut à la tête d'une activité de
bienfaisance pour notre littérature, notre culture et notre sport. En ce
qui concerne les filles de Mir Djalal muallim, Adiba Khanoum
est une femme
de lettres connue,
Elmira Khanoum est professeure de musique. Et les enfants,
et les petits-enfants et les arrière-petits-fils et les arrière-
petites-filles sont fidèles au préceptes moraux de Mir Djalal
muallim et de sa fidèle compagnie, Pusta
Khanoum. En réfléchissant à
cette vérité, je
pense: «Mais, en
effet, une telle
grande personnalité avait le droit de dire: «La plus grande
œuvre que j'ai créée dans ma vie, c'est ma famille».
Je reviens encore sur les paroles de Narguiz Khanoum: «…mon cœur déborde comme celui
d'une petite-fille». Et j'aimerais que les enfants et les petits-enfants de
cette grande personne inoubliable déchargent leur cœur, énoncent,
expriment leurs sentiments cordiaux et leurs pensées sur cette personne,
qu'ils partagent les souvenirs de leur père, de leur grand-père qui
est une des figures classiques de notre littérature, de notre
pensée sociale et culturelle du XXe siècle, qu'ils enrichissent notre
littérature de mémoires. Ces livres sont nécessaires non
seulement pour une seule famille, ses amis et ses proches, ou bien des
chercheurs, mais aussi pour tout le peuple, pour toutes les générations
futures.
April
2-3, June 1-2, 2006
[1] Chez nous, on
appelle muallim une personne remarquable : intellectuel, savant ou homme
d'esprit très respecté de la société. - H.
[2] Communauté des
États Indépendants
[3] Bénéficiaires
d'une bourse d'État préparant une thèse de candidat. - H.
[4] Surnom donné à
une personne très respectée du peuple. - H.
[5] En ce
temps-là, le bus 39, venant de l'autre bout de l'avenue Narimanov, passait
devant « Baksoviet », il y avait juste un arrêt devant
l'Université, et ensuite allait jusqu'à la gare ferroviaire.
[6]
Défendus par la religion musulmane. - H.
[7] Khanoum signifie « madame » en
azerbaïdjanais - H.
[8] Souligné par H.
[9] L'expression est de lui. - H.
[10] En Azerbaïdjan
Occidental – en Arménie aujourd'hui. - H.
[11] Un barde caucasien. - H.